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Chapitre I |
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Épisode 001 |
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- Aurélie, Aurélie. Lilie, Lilie, Lilie ! La grosse voix bourdonnait dans sa tête, se faufilait dans les méandres de son crâne, haletait, cherchait un passage, s’amplifiait, toujours plus fort, hurlait. Lilie. Lilie. Aurélie se réveilla en criant. En criant ? Non, surtout pas. Elle ne devait pas parler, jamais. Vite, elle enfonça son poing dans sa bouche pour barrer la route aux sons. Pour chasser cette voix qui menaçait de faire exploser son crâne. Surprise par ce réveil brutal, la voix s’enfuit. Mais elle reviendrait. Elle revenait toujours. Insidieuse, elle s’infiltrait dans son petit corps comme une main sale. Jamais rassasiée. Pour échapper à cette voix, Aurélie se levait et se dirigeait à tâtons vers la salle de bains. La nuit, elle n’allumait jamais la lumière. La grosse main en aurait profité. Lilie comptait ses pas. Trente-neuf, quarante. Un quart de tour à droite, elle y était. Le lavabo à gauche. Encore deux pas, les toilettes à droite. Délicatement, elle ferma le couvercle et s’assit. La fenêtre accrochée au plafond laissait filtrer la rumeur de la ville. Un bourdonnement familier, réconfortant. Elle leva la tête, scruta le rectangle noir. Pas de lune, dommage, elle aimait observer son reflet dans le miroir. Mais cette nuit, une pluie mesquine lui volait ce moment d’émotion. Maintenant, enveloppée par la rumeur, Lilie n’avait plus peur. Sa chemise de nuit jaune pâle collait à sa peau. Une goutte de transpiration coulait le long de sa joue, tout doucement, puis plus vite, jusqu’à la mâchoire. Là, elle hésita, continua sa course et vint s’échouer sur son épaule. Lilie frissonna. Elle avait froid, mais elle n’osait pas bouger, pas encore. Plus tard, beaucoup plus tard, la pluie cessa. Un rayon de lune se faufilait entre les barreaux de la fenêtre et éclairait la pièce. Les objets éparpillés sur les tablettes surgissaient de l’obscurité. Brosse à dents, dentifrice, sirop pour la toux, peigne, brosse. Objets rassurants du monde des vivants. Lilie se leva et avança délicatement sur les catelles glacées en évitant les noires qui semblaient vouloir engloutir ses pieds. Oui, mieux valait rester sur les blanches. Elle s’arrêta devant le lavabo, ouvre le robinet et s’aspergea en gardant les yeux ouverts. Dans le miroir, son reflet était déformé par les lueurs de l’aube qui venait prendre possession des lieux. Le radiateur se toussa. C’était le signal. Dans exactement vingt-cinq minutes Maria viendrait la réveiller. |
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