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Chapitre VI |
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Épisode 021 |
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Le ciel s’est assombri. Dans la voiture, la radio diffuse les infos de quinze heures. Plusieurs accidents sur les routes sont à déplorer. Les pluies de ces derniers jours ont fait des dégâts importants dans l’est du pays. La météo est maussade. Coincée dans son siège, Aurélie boude. Son père ne lui achètera pas de bonbons, elle le connaît. Il déteste ça. Mais elle, elle adore. Souvent, elle imagine une histoire. Discrètement, elle se fait enfermer dans le magasin de Madame Colomb, le bazar qui se trouve au bout de leur rue. Pendant toute une nuit, elle peut se gaver de bonbons. Se goinfrer pour toutes ces fois où on lui a refusé une sucrerie. Paolo écoute Radio Nostalgie. Il augmente le volume. La voix puissante de Jacques Brel résonne dans l’habitacle. « Quand on a que l’amour à s’offrir en partage. » Ses traits sont tendus. La pluie se met à tomber lorsque qu’il bifurque en direction de la station service. La grosse voiture verte s’immobilise devant la colonne numéro 1. C’est une petite station de campagne peu fréquentée. Il y a seulement deux colonnes, une pour l’essence sans plomb et une pour le diesel. Sur la droite, une porte coulissante mène à un kiosque dans lequel se trouve la caisse. Devant, différents articles, fleurs, glaces, produits d’entretien et paquets de charbon de bois sont protégés de l’averse par une bâche qui bâille sous le poids de l’eau. Paolo coupe le moteur et laisse la musique. - Aurélie, je vais remplir le réservoir et ensuite j’irai payer. Surtout ne bouge pas. La petite fille détourne la tête. La pluie s’acharne sur Paolo pendant qu’il fait le plein. Son pantalon beige est devenu presque noir. Sa fine chemise blanche laisse deviner les poils de sa poitrine. Dès qu’il a terminé, il se précipite dans le kiosque. Aurélie s’est redressée et le suit des yeux. Elle a réussi à détacher sa ceinture de sécurité et son air déterminé semble indiquer qu’elle ne compte pas en rester là. Changement de plan. Paolo est dans le kiosque. Il secoue la tête pour expulser le trop plein de pluie qui s’est infiltré dans ses cheveux. La pièce regorge d’articles disséminés au hasard des présentoirs. Chips, bonbons, journaux se battent pour couper la route au client pressé de payer son essence. Et Paolo est pressé, il n’aime pas laisser Lilie toute seule dans la voiture. L’endroit semble désert. Personne au comptoir de la caisse. Paolo commence à s’impatienter. Soudain, une voix tranchante surgit du fond du kiosque. - Tu te fous de moi. Garde ta breloque. C’est le fric que je veux. Le pognon que tu as empoché avec ton petit trafic. Ça fait des semaines que je te surveille, j’ai bien compris comment tu marches. Un vrai petit fonctionnaire, tous les samedis à huit heures pile, ils arrivent, tu leur fourgues la marchandise et ils te filent le pognon. Seulement, aujourd’hui, ce pognon, il est pour moi. - Je ne comprends pas de quoi vous voulez parler. Fichez le camp et je ne dirai rien à la police. Paolo se tient immobile près de la caisse. On le sent tiraillé entre l’envie de fuir et le besoin d’intervenir. Finalement, il se dirige vers les voix. Le caissier est accroupi, un pistolet pointé sur sa nuque. La peur lui plaque sa salopette verte contre le corps. A l’autre bout du pistolet, un jeune gars crache sa haine en décrochant des violents coups de pieds à l’homme à terre. - Arrêtez, laissez-le ! - Tire-toi, connard. Fous le camp, où je t’explose les tripes. Mais Paolo ne bouge pas. Il parle. - Je vais partir. Mais dès que j’aurai franchi cette porte, j’appellerai la police qui vous enverra au trou pour les dix prochaines années. C’est ce que vous voulez ? Alors, lentement, Paolo se tourne et se dirige vers la sortie. - Arrête-toi ! |
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© Cousu Mouche, 2007-2008, tous droits réservés. |
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