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Chapitre VI |
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Épisode 020 |
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Au centre d’une cuisine parfaitement rangée, un homme et une femme sont debout, face à face. - Je dois partir, Paolo, Maman m’attend. Et ne t’inquiète pas pour Aurélie, elle va beaucoup mieux. - Tu ne pourrais pas demander à ta mère de reporter son rendez-vous ? Pour une fois que nous pourrions passer un après-midi ensemble. Paolo s’est approché de Claude et la prend dans ses bras. Il lui caresse doucement les cheveux. - Tu es si belle. Je t’aime. Reste avec nous. Claude le regarde tendrement. - Mon chéri, tu sais bien que c’est l’anniversaire de la meilleure amie de Maman. Je ne peux pas la laisser tomber. Mais je te promets de revenir dès que possible. En rentrant, je m’arrêterai à la boucherie pour acheter de quoi faire des grillades pour ce soir. - Sous la pluie ? Claude lui tapote la poitrine. - Ne fais pas le rabat-joie. Ce soir il fera grand beau. A cet instant, un rayon de soleil inonde la baie vitrée. Paolo grimace, relâche son étreinte et se dirige vers la terrasse. Une pluie fine éclabousse les dalles qui scintillent au rythme des gouttes lumineuses. - Il n’y a plus de charbon de bois. Claude est sur le pas de la porte, ses clefs de voiture à la main. Elle a parlé fort, mais Paolo, n’a pas entendu. - Il n’y a plus de charbon de bois. Tu veux que j’en achète ? - Oui. Il se tourne vers la fenêtre puis fait demi-tour. Non attends, je dois aller faire le plein, j’en prendrai à la station service. Maintenant file. Ta mère doit piaffer d’impatience sur son trottoir. Claude ne répond pas et part. En refermant la porte, elle entend un léger cri. Aurélie a terminé sa sieste. Les cris s’amplifient. Pourtant, Paolo ne bouge pas. Il semble devenu imperméable au monde extérieur. Figure gracieuse d’un personnage en quête d’attention. L’attention des spectateurs, bien sûr. Le metteur en scène n’a pas lésiné sur les ingrédients nécessaires pour tirer les larmes du public. Robin n’est pas dupe, mais les acteurs sont bons et le film est bien fait. Finalement, la silhouette de Paolo se détache de la fenêtre, saisit le biberon posé sur la table et se dirige en direction des hurlements. Paolo et sa fille sont dans le salon. Le sol est jonché de plots multicolores. Délicatement Paolo soulève Aurélie et la fait virevolter. - Allez princesse, je t’emmène dans mon carrosse, on va aller lui remplir la panse. - C’est quoi la panse ? - C’est son ventre. - Une voiture n’a pas de ventre. Paolo éclate de rire, puis dit à sa fille. - Tu as raison. Paolo a reposé Aurélie et la regarde tendrement. Il lui murmure : - Je t’envie, Lilie. J’aimerais pouvoir vivre dans ton monde d’enfant, de naïveté, de jeu. Je ne supporte plus ces dossiers, ces gens qui vous crachent dessus lorsque leurs actions dégringolent. Qu’est-ce que tu en penses ? Et si j’arrêtais, tout ? Lilie ne répond pas. Ses longs cils noirs répandent leur ombre sur son visage pâle. Elle se tortille en tirant sur le volant de sa robe rose. Puis, elle dit : - C’est dégoûtant. - Qu’est-ce qui est dégoûtant ? - Ces gens qui crachent. Paolo saisit les petites baskets de sa fille, et lui répond en souriant : - Ne t’inquiète pas, ce n’est pas pour de vrai. Allez, enfile tes souliers, nous allons profiter de cette éclaircie pour sortir. Nous ne devons pas oublier d’acheter du charbon de bois à la station service, pour les grillades de ce soir. Aurélie se précipite vers la porte d’entrée et sourit à son papa. - Et des bonbons pour Lilie. - Aurélie, tu sais bien que c’est très mauvais pour les dents. Le visage de sa fille se décompose et sa bouche laisse échapper un petit cri. Paolo connaît cette grimace, préliminaire classique d’une crise de hurlements rageurs. Il se rattrape vivement. Bon, bon. On verra. Maintenant, allons-y. |
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© Cousu Mouche, 2007-2008, tous droits réservés. |
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