Ceux de Corneauduc

Quatre-vingt-neuvième épisode

Chapitre XVIII

Braquemart repousse son ami d’une colossale bourrade et éclate de rire.

– Tu as raison, Foutredieu ! Foin de pucelle et partons en chasse. Mais d’abord réveillons les deux brigands.

Il s’approche d’Émile la besogne et de Raoul le rugueux qui gisent sans vie et les réanime à grands coups de botte dans les côtes.

– Debout les damoiselles, il n’est plus l’heure de compter fleurette aux nuages. Ça se veut des durs et ça tombe après huit litres ! Debout, chiffe molle, ai-je dit !

Les deux malfrats ouvrent des yeux gonflés et rougis sur un monde peu accueillant. Ils se relèvent péniblement en se tenant les reins et en s’appuyant au comptoir.

– Ça, Mimile, ce fut furieuse cuite !

– J’en conviens... mais où donc sommes-nous, Raoul ?

Braquemart est déjà passé derrière le bar. Après avoir chercher dans quelques armoires discrètes, il déniche forte bonbonne de tord-boyasse non identifiée qu’il vide équitablement dans quatre godets. Le liquide fume dans les verres et un léger grésillement se fait entendre.

– Buvez ça, mes compères !

Joignant le geste à la parole, Braquemart, une main sur la hanche, arque le dos, rejette la tête en arrière et, le coude à l’équerre, s’enfile le contenu du godet sans respirer.

La réaction ne se fait pas entendre. Ses traits se contractent, faisant apparaître réseaux de rides dont l’existence était insoupçonnée. Son visage passe d’un blanc verdâtre inquiétant au violet, puis au cramoisi profond. Sa bouche bée et ses yeux exorbités manquent alors lui choir sur les joues. Il pousse un formidable hurlement qui doit s’entendre de Constantinople même. Braquemart prend appui des deux mains sur le comptoir pour ne point s’écrouler.

Il halète comme qui a couru 30 lieues sans respirer, en maugréant ça et là quelques jurons admiratifs. Puis, la voix éteinte comme venue d’outre tombe, il réussit à articuler d’un ton de profond respect :

– Sacré nom d’un soc en fonte ! Même la gnôle de Petitpont est pipi de nourrisson comparée à ça. J’ai cru un instant téter un volcan.

Sans dire mot, il sort de l’auberge d’une démarche de somnambule, alors que les trois autres encouragés par telle métamorphose s’envoient godet avec forte détermination, avant de happer l’air comme des damnés pour éventer quelque peu l’enfer qui leur bout en gorge.

 
 

Est-il vrai que tu as frisé le suicide pour obtenir une perm’ à Nantes ?
Combien faut-il soulever de beatniks pour être nommée Miss hisse hippies ?
Mère a-t-elle gazé le bourreau pour que père pète ?
Est-il vrai qu’Ève, des abysses, est née en Abyssinie ?
Le prochain épisode garde-t-il un oeil sur les cyclopes ?