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Chapitre II Épisode 008 |
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Quelques pas dans le frais et on va se fourrer à l’Établi, rue de l’École de médecine. Un bar pour étudiants chuchoteux, un peu sombre, un peu boisé, un peu tout en longueur avec une chouette terrasse derrière pour quand il fait plus chaud. Les filles sont souvent jolies. Pas ce soir ; à moins que la lassitude ne floue un peu mes yeux. Pelletier sort son échiquier, il a envie de se presser le citron, le bougre. Je lui fais signe que je ne suis pas prêt, que j’ai besoin d’une ou deux bières avant, pour m’aérer la tête. – C’est à cause du banquier que t’es sorti aussi tard ? Je suis presque étonné. – On en parle à la radio ? – Pas mal. Ça avait l’air d’être un légume de taille, ce gusse. Presque une soupe de l’Escalade à lui tout seul... On sait déjà qui l’a descendu ? – Ça t’intéresse ? Pelletier place peu à peu les pièces. – Comme ça... La bière m’aère la bouche, me libère de la précipitation des heures dernières, de ces pensées qui grésillent. Je m’étire sur ma chaise et je trie dans mes idées. Tranquille. Pelletier a tout le temps de m’entendre. – Le tireur n’a pas raté son coup. Il a visé droit dans le cœur. Un gars du labo m’a dit que Rollin-Lachenal était poinçonné comme un ticket de métro. Un type qui se contente d’une balle et qui s’éclipse, c’est qu’il est sûr de son coup ; c’est pour ça qu’on penche pour un professionnel. – Qui aurait tiré depuis le quai... – Ouais. Rollin-Lachenal avait organisé une réception juste en face. À l’étage du Noga-Hilton. – Il avait des goûts simples, se marre Pelletier en avalant une grosse gorgée de bière. – Rollin-Lachenal annonçait d’excellents résultats semestriels. Il avait même signé un partenariat avec une espèce de start-up. C’était musique dansante, razzia sur les petits fours et champagne pour tout le monde. Et là, à une heure du matin, alors que la salle se vide gentiment, cet imbécile va se poster devant la fenêtre et bang ; adieu pognon, gloire, et troisième villa sur la côte. Je quitte mon récit pour me plonger sur l’échiquier. Pelletier m’a laissé les blancs. Je déplace mon pion et, quand je relève les yeux, ceux de Pelletier sont toujours plantés dans les miens, méchamment perçants. – Curieux quand même... – Quoi ça curieux quand même ? – Ce type va à la fenêtre par hasard. Et, par hasard, quelqu’un n’attend que ça pour le descendre. C’est curieux. Mon bide se vrille d’évidence... Les experts en balistiques parlent d’une distance située entre vingt et trente mètres ; ce qui place le tueur tout au bord du lac. Comment aurait-il savoir que Pierre Rollin-Lachenal allait montrer sa gueule à la fenêtre ? Il n’avait quand même pas attendu une occasion toute la soirée, le doigt crispé sur la gâchette... Quand on connaît le bord du lac en septembre, même par temps froid, l’idée est ridicule. La plupart des terrasses ont fermé d’accord, mais il y a toujours du passage, des flâneurs, des noctambules, des amoureux, des jeunes qui vont s’offrir un dernier joint au bord de l’eau ; sans compter les voitures qui arrivent en flot continu du canton de Vaud. Il y passe trop de monde en tout cas pour que meurtrier puisse y attendre sa proie au vu de tous... À moins que... Je finis ma bière d’une traite. – Range l’échiquier, on y va ! |
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