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Chapitre II Épisode 011 |
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Je rentre à point d’heure. Je me posais trop de questions et Pelletier avait sorti l’échiquier pour me faire taire. La partie nous avait donné soif. Et de bières en revanches aux échecs... On nous a mis dehors à la fermeture. Valentine dort déjà. Elle a prit le dernier train depuis Zurich, comme souvent, pour voir son fils une petite heure le matin, à la table du petit déjeuner, son homme un petit bout de nuit. Et l’homme n’en mène pas large, je vous jure. Je me glisse dans la chambre le plus discrètement possible. J’ôte mes habits sans trop de bruit. Mais quand Valentine se retourne et allume la lumière, jugeant de mon ébriété à ma façon d’ôter mon pantalon, je regrette les Eaux-Vives, Yvan et les discussions informatico-philosophiques de fin de soirée. – Pas cool, Jocelyn. Aïe ! Jocelyn... Je n’aime pas qu’elle m’appelle en entier. La disparition de mes diminutifs n’a jamais amené beaucoup de tendresse dans nos conversations. – Tu me reproches quoi ?! De m’intéresser un peu à ce que je fais, d’être un peu moins pantouflard ? – Arrête un peu... Tu veux te bourrer la gueule avec tes potes, libre à toi ! Mais ne viens pas me dire après que tu te sens responsable, que tu veux être comme un père pour le petit. Regarde-toi Jocelyn, assume-toi ! C’est vrai que j’ai bu une bière de trop. J’ai tendance à boire une bière de trop... C’est une vieille habitude que je dois à mes amis. Il n’y a que deux sortes d’amis : ceux qui boivent une bière de pas assez et ceux qui en boivent une de trop. Et les miens font partie de la deuxième catégorie. Ce n’est pas ma faute. Le problème, c’est que la bière de trop n’ajoute guère d’efficacité à mes arguments. Et pourtant j’argumente, j’argumente même un peu trop ; ça me perd. Je suis en caleçon dans la chambre, le bras tendu, l’index dressé, ridicule. – Et Khrouchtchev, tu sais ce qu’il disait Khrouchtchev ? Valentine soupire. Elle est belle même quand elle soupire. Elle est belle surtout quand elle soupire. Pourquoi mon caleçon ne disparaît-il pas, pourquoi ses lèvres ne dessinent-elles pas sous mes yeux tout le dégradé de la bouderie au désir, pourquoi est-ce que je ne plonge pas dans la douceur de ses bras, puisque, au fond, nous ne rêvons que de ça. J’oubliais. Nous nous engueulons. On est de plus en plus forts pour ça, Valentine et moi. Nous nous engueulons et je parle de Khrouchtchev en caleçon. – Eh bien, ma chérie, Khrouchtchev disait « Même les porcs ne chient pas là où ils bouffent ! » – Franchement Joss, je ne vois pas le rapport. Mon Dieu, je suis bourré, moi. – Ce que je veux dire... Oui, qu’est-ce que je veux dire, au juste ? – ...Ce que je veux dire, c’est que je ne suis pas un malhonnête. La police genevoise me nourrit. Je ne suis pas flic dans le sang, mais je partage le sort des flics. Si mes collègues sont dans la merde, je suis dans la merde avec. Je suis loyal dans mon travail. Tu m’entends, Valentine ? Loyal dans mon travail. C’est moi qui ai dit ça ? Oui. Et la main sur le cœur en prime ? Oui. Bon, au vu de mon état, on ne pouvait pas espérer beaucoup mieux. Valentine n’est pas de mon avis. Elle éteint sa lampe de chevet et me tourne obstinément le dos. Demain sera grinçant. |
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