Chapitre IV

Épisode 018

– Vous n’avez aucune idée de l’endroit où il pourrait être ?

– J’ai appelé toutes ses connaissances. Personne n’a reçu de nouvelles. Pour être franche, je suis la seule à m’alarmer ; certains me disent que ce n’est pas la première fois que Marco fait le mort, d’autres m’affirment qu’il aurait fait une grosse bêtise et qu’il n’oserait plus réapparaître.

– Quel genre de grosse bêtise ?

– Cette histoire de Rollin-Lachenal... Marco n’a pas le droit de liquider la société sans l’accord de Gilles Magrot. Pour signer un contrat avec Rollin-Lachenal, il a dû falsifier des documents. Un ami de Marco s’est montré catégorique sur ce point... Mais je n’y crois qu’à moitié. Je ne dis pas que Marco n’imagine pas quelques combines farfelues pour retrouver son indépendance, il s’embarque parfois dans des délires à faire peur, mais il est incapable de les mettre en pratique. Croyez-moi, incapable !

Hortense est un peu moins belle quand elle martèle un peu trop fort la fin de ses phrases.

Pensez-vous qu’il ait pu être manipulé ?

– Que voulez-vous dire ?

Oui, au fait, qu’est-ce que je veux dire ?

– Eh bien, Rollin-Lachenal était un vieux routier de la finance. Il savait sans doute se montrer persuasif... Débaucher, embaucher des talents, avaler une entreprise... C’est assez courant dans ce milieu. Marco Tardelli s’est peut-être laissé entraîné dans une affaire dont il ne mesurait pas toutes les conséquences.

Hortense Courtois réfléchit quelques instants, les yeux mi-clos...

– Il faudrait que vous rencontriez Marco... Il n’a pas une approche rationnelle de l’existence. Un logement, le confort, ce sont des notions qui n’ont pas cours pour lui... Mais il reste parfaitement conscient de ce qui l’entoure. Il refuse d’ouvrir les yeux, il n’est pas aveugle pour autant. Vous comprenez ?

J’opine. Hortense me regarde dans les yeux. Elle attend que je reprenne la parole, mais j’ai beau me creuser le crâne, je ne trouve plus de questions à lui poser. Quand le silence commence à peser, je me lève et je dis que vais de ce pas lancer un avis de recherche (il faudra d’abord que je me renseigne sur la procédure à suivre) et que je la préviendrai dès que nous aurons du nouveau. C’est Hortense qui me signale sans sourire que je ne lui ai pas demandé ses coordonnées et qui inscrit son numéro sur un petit calepin dont elle arrache une page d’un geste précis. C’est moi qui balbutie quelques platitudes sur le stress, les oublis et l’inattention.

Hortense Courtois m’adresse un dernier sourire et j’ai comme un pincement au cœur. Je ne sais foutre pas comment nous pourrons retrouver son Marco ni dans quel état nous le retrouverons.

Pour me sentir un peu utile, je m’installe devant mon écran. Chappuis a bien évidemment fait retranscrire les interrogatoires des témoins sur un fichier commun. Je recherche les allusions à Tardelli dans le document. On mentionne son discours, son ébriété, on le dénigre au détour d’une phrase ; mais nul n’indique l’avoir vu quitter la soirée. Il faut que je relance Darbellay sur ce point. Tiens, en parlant, de Darbellay, le pas que j’entends dans le couloir ne trompe pas. Je sors de mon bureau pour lui parler d’Hortense et de Tardelli, mais une fois de plus, il ne me laisse pas loisir d’ouvrir la bouche.