Chapitre VIII

Épisode 040

La richesse retrouvée de la banque Rollin-Lachenal n’était qu’une immense arnaque. Mais une arnaque qui ne tenait pas la route. Moins d’une semaine après l’effet d’annonce, les établissements Rollin-Lachenal allaient plonger vers la banqueroute. Xavier Rollin-Lachenal ne pouvait pas l’ignorer.

J’imaginais mal ce quinquagénaire prudent se lancer dans une embrouille aussi légère et je le croyais encore moins capable de tromper ses plus proches collaborateurs. Armand connaissait les plans comptables, il avait prévenu les journaux. Il devait savoir lui aussi que l’entreprise courait à sa perte. Que la prétendue résurrection n’était qu’un répit, un pitoyable répit de quelques jours à peine. On ne se laisse pas ainsi entraîner dans une manœuvre désespérée et malhonnête... À moins d’avoir beaucoup à y gagner...

Darbellay entre dans le bureau. Mais comme à chaque fois que j’ouvre la bouche, c’est lui qui parle le premier.

– Je n’y crois pas, Joss. Ces financiers angéliques, c’est de la blague. Ils jurent tous leurs grands dieux qu’ils ont été surpris par l’annonce de Rollin-Lachenal. Mais ils ne s’en offusquent pas, comme s’il était normal que Dieu le Père Xavier gaspille les dernières chances de sauver la banque ! Bernard Armand, Wilfried Kirschtein, même combat. Et même le fils Jean-Charles... On a beau dire qu’il ne vient qu’une à deux fois par semaine, qu’il croise les pieds sur son bureau et qu’il signe quelques rapports pour la forme. Il est le successeur désigné. Il dit qu’il n’a appris l’existence de Tardelli que le soir de l’annonce. La nouvelle l’a tellement peu bouleversé qu’il est parti avant minuit pour finir la nuit en boîte avec ses copains, c’est logique ça ?

Il s’assied, se calme un peu, se tourne vers moi.

– Mais, excuse-moi ; tu voulais dire quelque chose ?

– Non, non rien d’important.

– Tu vois Joss, si je n’imagine pas Rollin-Lachenal capable de convaincre ses petits camarades du retour des beaux jours, je crois l’inverse possible. Un spécialiste comme Kirschtein, par exemple, aurait très bien pu monter la tête du vieux, lui faire croire que tout n’était pas perdu... Armand, c’est le vieux compagnon de route, celui qui ne dit jamais rien. Lui aussi a pu jouer un rôle... Et même Jean-Charles... Le père qui se laisse entraîner par l’enthousiasme du fils. C’est plausible ça, non ?

– Oui, et alors ?

– Et alors on en revient toujours au même point. Qui s’est assuré que Rollin-Lachenal irait vers les fenêtres ? Une fois que nous aurons répondu à cette question, nous tiendrons le coupable.