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Chapitre VIII Épisode 042 |
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– Qu’est-ce qu’il y a de bizarre ? – Je ne sais pas. Il me semble que c’est le genre de type qu’on n’abat pas, qui est toujours plus utile vivant que mort. C’est comme les pilotes allemands de la seconde guerre mondiale. Avec Yvan, il faut s’habituer aux sauts sémantiques. L’évidence n’est pas fournie en option dans sa conversation. – Quand un pilote anglais ou américain obtenait une dizaine de victoires en combat, il était considéré comme un as. Certains ont peut-être atteint les vingt victoires, mais ça fait figure d’exceptions. Et tu sais combien de victoires ont aligné les meilleurs pilotes allemands ? – Je ne sais pas quarante, cinquante ? – Ça se compte en centaines. Tu te rends compte. Ils étaient insaisissables, invincibles. Alors qu’ont fait les Américains après la guerre ? Ils les ont embauchés pour former leurs propres pilotes. Peu importait le passé l’idéologie : un talent pareil ne se gaspillait pas. Tardelli, c’est pareil. Il était trop doué pour qu’on l’abatte. Il faisait partie des gens qu’on achète à n’importe quel prix, mais qu’on veut garder intacts. Alors, je maintiens. C’est bizarre. – Et s’il voulait lâcher Magrot ? Les disputes entre associés, ça peut se terminer par un divorce. – Je ne crois pas. Tardelli était impulsif, capable de s’emballer pour tout et n’importe quoi, mais pas de jouer un sale coup « à froid »... À part ses logiciels, crois-moi, il ne savait rien programmer. – Tu l’as revu quand Tardelli ? – Houlà... Attends... Je l’ai croisé... Il y a six mois peut-être. Pour Yvan, six mois peut-être, ça veut dire entre deux semaines et cinq ans... – Mais nom de Dieu ! Tardelli est monté sur une estrade pour dire qu’il se lançait dans un partenariat avec la banque Rollin-Lachenal. Des centaines de personnes l’ont entendu. Et ce n’était que du vent, du putain de vent ! Je m’emporte sans raison. Mon pote a quitté son précieux écran où il s’enfonce dans des abstractions essentielles et incompréhensibles à mon petit cerveau pour m’aider à réfléchir en buvant un whisky en ma compagnie. Et voilà que je lui en veux parce qu’il ne me dit pas ce que je voudrais entendre. – Il n’y avait aucune fusion en vue ? – Non. Rollin-Lachenal n’avait pas les moyens. – Pourquoi l’annoncer alors ? Uniquement pour faire un coup de bourse ? J’acquiesce. Je remarque que je vide mon whisky sans le savourer et ça m’énerve d’autant plus. – Tu crois que Tardelli aurait pu être trompé, qu’il croyait de bonne foi que Rollin-Lachenal voulait le racheter ? – Non. Il me regarde, ne cille pas. – T’es vachement sûr de toi ! – Tardelli et moi, on bosse dans l’informatique, un putain de domaine ou la moindre erreur peut mettre toutes tes prévisions à terre. Parfois quand je suis sur un boulot, je ne sais pas s’il me faudra deux jours ou deux mois pour en voir le bout. C’est le genre de choses qui rend prudent. Si on lui avait proposé un contrat, il l’aurait décortiqué où fait lire par des spécialistes, je te le garantis. Je suis pareil... Je déteste tout le charabia juridique et administratif, mais je suis conscient de ma naïveté et du temps que je passe à me fracasser le cerveau devant mon écran. Notre travail de rats de cave a une grande vertu Joss, il rend modeste. Nous n’engageons par notre parole n’importe comment. – Hortense Courtois, sa copine pense un peu comme toi... – Il avait une copine ? – Oui, pourquoi ? – Je ne sais pas. Quand je l’ai connu, il était encore plus solitaire que moi... – Eh ben, ça te laisse de l’espoir, parce que j’aime mieux te dire qu’elle est charmante, Hortense... Yvan hausse les épaules. Il n’a aucun humour sur ce terrain-là. |
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