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Chapitre X Épisode 052 |
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Ceci nous mène tout droit à un dimanche après midi comme j’en ai tant vécu, à la villa de Cologny que j’ai désertée peu après que ma mère s’y installe avec le nouvel homme de sa vie. Le beau-père s’allume son cigare dans sa chaise, sur sa terrasse, avec une putain de vue imprenable sur ce qu’il doit finir par considérer comme son lac. Deux fois par mois, il me présente sa boîte à cigares, son humidificateur en écailles de dieu sait quoi de très rare qui lui a coûté un prix dont je ne veux rien savoir pour éviter les banderilles politico-crétines, et deux fois par mois, je refuse. Le beau-père me coupe l’appétit, c’est physique. J’ai pourtant passé le stade acnéïque des « salauds, tu as remplacé papa ! » et des « gros bourge de merde ! » que j’avais peint au cirage sur le capo de sa BM quand je m’essayais à la coupe pétard et à la contestation gueularde. Mais je rechigne toujours un peu en sa présence, peut-être parce que sa grande maison n’a jamais vraiment été la mienne. Et c’est ici aussi que ma mère est devenue une autre dame, plus heureuse peut-être qu’elle ne l’était avant. Valentine dirait que c’est ce bonheur que je ne peux pas pardonner au beau-père... Je la laisse avec Freud et consort et je me contente de faire la gueule. Une bonne bouderie vaut mieux que toutes les divagations des psys ! Je me sens l’allié de P’tit-Ju qui s’emmerde sec dans cet univers trop beau où l’on a l’impression de salir ou de casser tout ce qu’on touche. Valentine prend ses aises. Elle adore le café qu’elle boit avec ma mère, retirée dans le salon, à croquer trois carrés de chocolat noir et quelques biscuits secs. Elle cause. Et quel est le sujet inépuisable de leurs conférences ? Myself en personne, mais version bambin. Mon enfance semble un sujet d’anecdotes inépuisables, un sujet qui fait rire ma mère et Valentine. Elles ont parfois l’air toutes attendries lorsque je traverse la pièce sous prétexte d’aller uriner, ce qui me permet de faire une pause de beau-père. Cette fois, pourtant, ce n’est pas moi qui essayerais d’écourter l’après-midi. J’ai des questions. Des questions qui me trottent méchamment dans la tête. Parce que forcément, la grande bourgeoisie genevoise est une espèce rare et vaguement consanguine. Tout le monde s’y côtoie. – Tu le connaissais bien Rollin-Lachenal ? – Je le croisais assez souvent. Il sourit déplaisant, mon beaup’. Il note, dans sa sale petite tête de libéral à principes, qu’en ce dimanche, an de grâce 35 après moi-même, je lui parle de boulot pour la première fois de mon existence. Il va me traiter de petit Sherlock Holmes, me tacher de son insupportable ironie à la première occasion. Tant pis. – T’en pensais quoi ? |
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