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Chapitre XI Épisode 055 |
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Je ne pense pas que mes supérieurs auraient vu mon initiative d’un bon œil. Mais ça m’est venu en arrivant au bureau ; « comme une envie de pisser », aurait commenté Darbellay. Quelquefois, je fonctionne par impulsion, surtout quand je ne suis pas encore bien réveillé et que je m’imagine capable de faire de grandes choses. Vaine illusions des matins où je m’extraits du lit point trop comateux. J’ai donc contacté Sylvia Rollin-Lachenal et j’ai réussi à obtenir un rendez-vous pour le jour même. J’étais impatient. Sans doute parce que la description du beaup’ m’avait trotté dans le crâne toute la soirée ; peut-être aussi parce que ses rapports tourmentés avec son père la pousseraient à en dire un peu plus que les autres. Je disposais d’une carte nouvelle et comme personne ne semblait disposer à m’écouter, j’étais bien décidé à en jouer moi-même. Nous nous sommes retrouvés à l’Ethno, au abords du quartier des banques. C’est elle qui avait lancé la proposition alors que je m’attendais à me retrouver dans un des infâmes café à snobinards de la rue du Rhône. – Jocelyn Perret. – Sylvia Rollin-Lachenal, enchantée. J’avais lu la fiche de Sylvia Rollin-Lachenal, je savais qu’elle n’avait que 29 ans, et pourtant, je m’attendais à voir une dame, à me sentir tout gamin. On imagine toujours les riches et les gens installés plus vieux et plus sûrs d’eux qu’ils ne sont. Elle était là, jeune, habillée sans ostentation, pas maquillée ou à peine. Je me suis assis et j’ai commencé à bredouiller quelques phrases décousues où il était question de remerciements et de reconnaissance. – J’ai déjà entendu tout cela, Monsieur Perret. Alors, passons directement au vif du sujet. Elle ne cessait de tripatouiller le petit gobelet de plastic de crème à café. Nerveuse ? Je n’aurais pas dit ça. Sous tension, plutôt. Elle ne devait pas s’accorder beaucoup de temps pour dormir. – Vous disposez d’actions dans l’entreprise de votre père ? – Ce n’était pas « l’entreprise de mon père ». Une organisation n’appartient à personne. C’est parce qu’il refusait de voir cette évidence que mon père a poussé la banque au bord du gouffre. Alors dites plutôt « l’entreprise coulée par votre père ». – Oui, mais ces actions... – Vous voulez savoir si je les ai vendues ? Oui. Bien sûr. J’étais en deuil, je le suis encore, mais je ne suis pas devenue complètement idiote pour autant. J’ai attendu trois jours et j’ai tout liquidé. Un peu tôt, peut-être, mais je savais que les valeurs pouvaient s’écrouler d’un instant à l’autre et je ne voulais pas être prise de vitesse. – Vous n’avez donc pas cru aux déclarations de votre père au cours de la soirée... – Soyons clair. Mon père ne disait jamais la vérité, il la biaisait, l’arrangeait à sa façon. Tout le temps. C’était comme un tic, l’obsession de compartimenter les informations, de les réécrire au besoin. Il trichait ainsi avec tout le monde, avec ses collaborateurs comme à la maison. Lorsqu’il a évoqué sa soirée, je n’ai pas voulu l’écouter parce que je savais d’avance qu’il y avait anguille sous roche. Sauver la banque, disait-il ! Il n’y avait plus grand-chose à sauver et il devait bien s’en rendre compte ! |
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