Chapitre XI

Épisode 064

Darbellay me considère longuement, sans véritable expression...

– Bon, ben on démarre.

Je le regarde, un peu étonné.

– Où ça ?

– Quand tu tires des conclusions, apprend à aller jusqu’au bout, Joss !

Il ouvre la porte du couloir à la volée et il gueule !

– Six gars avec nous, on fait une descente à la banque Rollin-Lachenal. Le secrétariat de direction, les lignes téléphoniques, les classeurs, les ordinateurs des gros pontes. On sort tout !

Il se tourne vers moi.

– Va enfiler ta veste ! Le temps de rédiger un mandat, de le faire signer par le Paon et je te rejoins...

Je ne suis pas sorti qu’il me relance.

– Je mets quoi comme motif... Enquête parallèle de Jocelyn Perret ?

Je presse le pas et je vais l’attendre dans sa voiture, un peu dépassé. Il arrive, deux petites minutes plus tard la démarche alerte, il s’est donné un coup de peigne. Et il mâche un chewing-gum. C’est la dégaine des grandes occasions.

– Mais qu’est-ce que tu cherches ?

– Si Rollin-Lachenal a arrangé lui-même son vrai-faux assassinat, il doit en subsister des traces, dans son courrier, ses e-mails...

– Vous avez déjà cherché, non ?

– On cherchait une crise familiale ou un concurrent jaloux. Ce ne serait pas étonnant que l’on n’ait rien trouvé... Ce coup-ci, on y va au peigne un peu plus fin. Tu devrais être content, ton petit coup de force va nous occuper tout l’après-midi.

Content, n’est pas vraiment le mot. Je mouline un peu des bras, je baragouine ce qui me passe par la tête.

– Un mail privé, ça se fabrique gratuitement en cinq minutes. Il n’allait pas écrire au tueur sous sa véritable identité en disant qu’il voulait se faire estropier lui-même.

– Oui, sauf que Rollin-Lachenal était à ce point rétif à l’informatique que son secrétariat devait lui imprimer les mails important pour ne pas qu’il les perde en faisant une fausse manœuvre. Sa secrétaire était intarissable sur le sujet. Mais tu as dû lire le rapport...

Il sait bien que non, l’affreux salopard. Il sort son portable, en conduisant deux fois trop vite, un œil vague sur la route. Il contacte un responsable de la banque, que je devine être Bernard Armand, pour lui demander de convoquer le responsable de l’informatique. Quand il raccroche, il me regarde avec une moue amusée.

– Ils n’ont pas l’air contents de nous voir revenir, là-bas.

– Tu penses vraiment qu’on va trouver quelque chose ?

– Si on y met les moyens et qu’on ne trouve rien, ce sera aussi quelque chose !

Parfois un peu abscons, mon cher Valaisan ! Je me tasse sur mon siège sans lui demander plus d’explication. Ce grand débarquement, c’est un peu de ma faute. Et je me sens à l’étroit dans mes bottes, moi, avec les trois voitures de collègues qui nous suivent.

– Au fait t’a mis quoi comme motif ?

– Hein ?

– Sur le mandat t’as mis quoi comme motif ?

– Ah ! Éléments nouveaux. C’est ce que je mets toujours quand j’ai pas envie qu’on m’emmerde.

À l’entrée de la banque, dans la loge de sécurité, Armand nous attend. Il a l’air sombre.

– Ce n’est pas nous faire de la publicité que d’arriver ainsi...

– Depuis quand les entreprises moribondes ont-elles besoin de publicité, Monsieur Armand ?

– Enfin vous étiez là tout à l’heure, vous auriez pu prévenir...

– Et peut-être vous faxez une liste de nos questions... Allons-donc. Nous parlons d’un assassinat... Y a-t-il une salle où nous pourrions nous installer tranquillement pour quelques entretiens ?

Armand désigne notre escorte armée, l’air embarrassé.

– Tous ensemble ?

– Non. Seulement Monsieur Perret et moi. Les autres fouineront un peu dans les bureaux. Dans le vôtre notamment.

– Je vous trouve bien agressif, inspecteur.

Moi aussi, je le trouvais agressif. Inutilement même. Mais bon, je le suivais, la bouche scellée. Je dois reconnaître qu’il avait trouvé le meilleur moyen de me remettre à ma place. J’étais beaucoup moins fier de moi, du coup.