Chapitre XII

Épisode 070

Je parcours les passages soulignés non sans taches et pâtés par Darbellay à qui je ferais bien d’offrir une règle.

De : Nadine Gauffret, N.Gauffret@Rollin-Lachenal.ch
À : Ana Briss, A.Briss@Rollin-Lachenal.ch

(...) Je suis un peu embêtée. On m’a demandé de trouver anonymement un pied à terre pas cher de préférence sur la rive droite, pour un client important qui ne veut pas se montrer au grand jour. (...)Un pied à terre, ça veut dire quoi, c’est pas un hôtel en tout cas ? !

De : Ana Briss, A.Briss@Rollin-Lachenal.ch
À : Nadine Gauffret, N.Gauffret@Rollin-Lachenal.ch

C’est qui, ton client ?

De : Nadine Gauffret, N.Gauffret@Rollin-Lachenal.ch
À  : Ana Briss, A.Briss@Rollin-Lachenal.ch

Je ne sais pas, un financier, sans doute. Mais je n’ai aucun budget. On m’a dit : « Le moins cher possible et ça ne passe pas à la compta ; ordre du boss ! » Je ne vais pas payer un trois étoiles de ma poche, non plus ! Je te jure, on reçoit de ses demandes ! (...)

De : Ana Briss, A.Briss@Rollin-Lachenal.ch
À : Nadine Gauffret, N.Gauffret@Rollin-Lachenal.ch

J’ai peut-être une idée. J’ai été en contact avec Monsieur Cardozzo de la régie du centre de droit.(...) C’est lui qui gère les immeubles de la banque. J’essaie de retrouver son mail. (...)

De : Nadine Gauffret, N.Gauffret@Rollin-Lachenal.ch
À  : Ana Briss, A.Briss@Rollin-Lachenal.ch

On a des immeubles, nous ?

De : Ana Briss, A.Briss@Rollin-Lachenal.ch
À : Nadine Gauffret, N.Gauffret@Rollin-Lachenal.ch

Oui, des trucs assez pourris qu’on se bat pour ne pas rénover. Il devrait te trouver une place vite fait. (...) Pour le mail de Cardozzo, s’il n’a pas changer d’adresse, c’est François.Cardozzo@CD-régisseurs-ge.ch. Salue le bien de ma part.(...)

De : François Cardozzo, François.Cardozzo@CD-régisseurs-ge.ch
À :
Nadine Gauffret, N.Gauffret@Rollin-Lachenal.ch

L’appartement susmentionné est donc réservé sous X pour quatre nuits à compter de la date prévue. Je vous adresse une facture, mais je note que le règlement me sera adressé sans référence. Je vous répète qu’une transaction aussi hasardeuse n’est possible uniquement parce que l’état de l’appartement ne permet plus que nous le mettions en location à long terme. Toutefois, j’insiste une nouvelle fois, que seule votre position de propriétaire nous a incité à répondre à votre demande à laquelle nous ne souscrivons pas. (...)

Je relève la tête vers Darbellay pour lui demander de m’en expliquer un peu plus.

– C’est bête comme chou, Joss. Rollin-Lachenal était sûrement un patron qui se mêlait de tout, mais qui était incapable de se servir d’une machine à café. Réserver un appartement ou une chambre d’hôtel, voilà bien une tâche qui le dépassait ! Il a demandé à ses secrétaires de s’en charger. Et là, pas de bol pour lui, elles ont l’idée de réquisitionner un appartement qui appartient à la banque ! L’ingéniosité de l’employée qui accuse le patron, tu ne trouves pas ça beau ? Ce qu’elle n’ont pas compris, c’est que l’anonymat devait être le leur, pas celui du client. D’ailleurs le bordereau de régie est rempli. Je pense que tu devines à quel nom...

Je réfléchis un instant et je grommelle au hasard.

– Marco Tardelli ?...

– Oui, ce pauvre Tardelli abattu dans un chez lui provisoire et qui ne pourrait pas se disculper. Dommage que Rollin-Lachenal soit mort, j’aurais bien voulu voir sa tête quand on lui aurait expliqué que son nouvel associé avait été flingué chez lui, dans un appartement loué par ses soins. Ça n’aurait sans doute pas renforcé sa confiance dans le petit personnel.

Pelletier rumine depuis quelques instants pour attirer notre attention. Il suit les lignes, le doigt un peu incertain et la gnôle goutte sur les rapports. Chappuis en ferait un syncope. Darbellay s’en tape.

– Je crois qu’il y a autre chose, dit mon pote avec un sourire trop vitrifié pour être vraiment triomphant.