Chapitre XII

Épisode 071

– Comment ça, autre chose ?

– Je cite : On m’a dit « le moins cher possible et ça ne passe pas à la compta ; ordre du boss ! » Il y a ce « on » entre Rollin-Lachenal et la secrétaire. Qui est-ce ? Quelqu’un en tout cas qui en savait plus que les secrétaires et qui a pu flairer du louche.

– Bien vu, Machin ! dit Darbellay en griffonnant quelques pâtés improbables sur l’arrière d’un ticket de caisse de la Migros. J’appellerai Nadine Gauffret à la première heure pour lui poser la question. En attendant, on peut regarder là-dessus... Bordel, où j’ai foutu ce fichu graphique ?

En fait de graphique, après cinq minutes de spéléologie dans des piles de feuilles, ponctuées d’un bon quart des pages les plus savoureuses du manuel du parfait juron valaisan, Darbellay pose bien à plat sur la table l’organigramme complet des établissements Rollin-Lachenal, en A3 et en couleur.

On se gratte le crâne un bon moment avant de comprendre la logique et on finit par trouver l’assistante administrative niveau 1, Nadine Gauffret. Pelletier remonte du doigt et s’arrête sous le nom de Bernard Armand.

– Intéressant, dit Darbellay. Ça demande confirmation, mais c’est intéressant.

Il veut rajouter quelque chose mais il est interrompu par son portable.

– Ah, c’est pour moi ! dit-il avant de répondre.

Je voudrais ironiser, mais Darbellay paraît si préoccupé que j’en oublie même de répertorier cette réplique au rang des plus grandes crétineries prononcées en ma présence.

– Oui ? Vous avez toutes les listes ? Parfait... Non, non envoyez-les par fax ! Nous allons les consulter tout de suite ! Merci beaucoup. Et bonne nuit !

Il raccroche d’un pouce presque hargneux.

– C’était qui ?

Il se pavane sévère, le Valaisco ! Il veut me faire payer mes lumières, ma parole !

– Dieter Vangerath, mon cher. Un des responsables informatiques de chez Rollin-Lachenal. Je lui ai demandé s’il n’y avait pas eu une activité anormale sur le poste du grand chef. Il a regardé en détail, n’a pas trouvé de mails envoyés vers l’Allemagne, mais beaucoup mieux. Le poste personnel de Rollin-Lachenal était connecté au système de vingt-trois heures quinze à une heure du matin, onze jours avant l’assassinat. J’ai vérifié son emploi du temps. Ce soir-là, Rollin-Lachenal assistait à un gala de bienfaisance, une fête associative organisée par sa femme. Je ne l’ai pas encore interrogée pour savoir s’il s’est absenté, mais il y a de fortes chances qu’un intrus, un proche, puisqu’il connaissait les codes de l’ordinateur, se soit lancé, de nuit, dans une recherche d’informations.

– Et tu as demandé à Vangerath de pister le parcours de cet intrus dans l’ordinateur de Rollin-Lachenal ?

– Oui, ce qu’il m’a promis pour demain. Mais je lui ai demandé mieux. Tu as remarqué que ce cher Rollin-Lachenal faisait pointer ses collaborateurs. Ils avaient tous, y compris lui-même, un badge personnalisé. Et ce badge va nous dire qui se trouvait dans la banque cette nuit-là. Vangerath vient de m’envoyer les horaires de présence du personnel.

On entendait, dans la pièce à côté, le fax qui crachait page après page en couinant un peu.