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Chapitre XIII Épisode 074 |
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Mon badge ! Wilfried Kirschtein rit. Un grand rire, un peu trop aigu, un peu forcé peut-être, mais il rit. Messieurs, vous ne pouvez pas savoir à quel point cet objet m’a déjà emmerdé ! Nous, il nous a raconté vos heures d’entrée et de sortie... Kirschtein tend la paume de la main. Il a l’habitude de se faire entendre. Darbellay n’insiste pas, le laisse faire. Kirschtein sort un agenda de sa poche et nous le présente avec emphase. Version papier. Il combine ma vie privée et professionnelle. Il est le résumé fidèle de ma vie. Vous voulez savoir ce que je faisais il y a une semaine ou trois mois ; regardez là-dedans. J’ajoute que la mention maison implique la présence de ma femme et de notre femme de ménage qui dort à domicile. Autant dire que je suis rarement seul... Alors vérifiez-le, c’est votre boulot. Ma réputation est sans tache, je ne vois pas pourquoi je devrais me plonger dans mon passé et vous fournir mille et un justificatif. Tout est là. Je ne vois pas ce que je pourrais vous apporter de plus. Quant au badge, il me faut vous dire c’est la première fois de ma carrière professionnelle qu’on m’impose une telle humiliation ! J’aime même failli refusé la place à cause de la stupide obstination de Xavier à ce sujet. Voyez-vous, j’estime que l’équipe de direction d’une banque doit jouir d’une totale liberté. Enfin, quoi, c’est un monde, j’ai accès à toutes les salles, à tous les dossiers, à quoi bon m’affubler de cette... cette laisse. Je vous jure j’ai l’impression d’être un chien, un... Darbellay tape du poing sur la table. Les discours, quand ils s’étirent pour ne rien dire, me tapent un peu sur le système ! Je ne doute pas que vous trouviez tous les témoins de moralité nécessaires, Kirschtein, mais j’aimerais que vous m’expliquiez pourquoi votre badge s’en est allé tout seul sur ses petites pattes faire un tour à la banque pendant que vous accomplissiez le devoir conjugal ou ce que bon vous semble avec votre épouse et votre bonne à tout faire ! Il y a un long silence. Kirschtein et Darbellay se fixent, se jaugent. C’est le financier qui parle le premier, d’une voix parfaitement calme. Vous devenez insultant, inspecteur ! J’attends de vous une explication Kirschtein. Je dois reconnaître que je n’en ai pas... Sinon, et cela beaucoup de monde pourra vous le confirmer, que j’ai tendance à oublier cet horrible objet chez moi ou au bureau, plusieurs fois par mois, voire même plusieurs fois par semaine. Ma secrétaire vous racontera avec tous les détails nécessaires combien je peste à l’heure de ranger mes dossiers lorsque je ne retrouve plus cet infâme bout de plastique ! Et les huissiers finissent par bien me connaître ; je n’arrête pas de leur demander de m’ouvrir les portes... Imaginez qu’au début, ils me demandaient mes papiers ! Un système archaïque, je vous dis. Darbellay répond d’un vague soupir. Il se lève sans rien ajouter, nous fait signe. Nous nous retirons de la pièce. Et nous nous retrouvons dans le couloir, devant un gobelet de café bien chaud. Qu’est-ce que tu penses, dit Chappuis ? Laisse-le mariner encore un peu, profites-en pour vérifier que les huissiers connaissent sa tronche et puis tourne autour du pot en nous attendant. Comment ça, vous allez où ? Euh oui, Michel, je demande, on va où ? À la pêche à l’assassin, je crois bien. Allez magne-toi ! |
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