Chapitre XIII

Épisode 076

Nous nous asseyons à la cuisine. La femme d’Armand est passée nous saluer, avec une toute petite voix, genre souris grise timide, puis elle s’est retirée. On l’entend qui s’agite dans la pièce à côté.

Darbellay avale une bonne gorgée de café, puis il démarre à pleine voix.

– Alors, Armand... Qu’est-ce que vous allez faire de tout votre fric ? Achetez une nouvelle maison ? !

Armand verdit. On ne peut pas dire autrement ; il verdit. Il agite les mains et regarde Darbellay avec plus d’angoisse que de colère.

– Plus bas, par pitié !

Darbellay le considère sans dire un mot, le laisse mariner dans un silence désagréable.

– Je ne lui ai pas parlé de ma bonne fortune... Pas encore... Je voulais lui faire la surprise et...

– Combien avez-vous gagné exactement ?

– Parlez plus bas, s’il vous plaît.

– Une somme qui vous permettrait de vivre dans une demeure un peu plus cossue, non ? Votre femme ne serait plus obligée de faire le ménage.

Armand repose sa tasse un peu fort sur la table.

– Mais qu’est-ce que vous voulez à la fin ?

– Comprendre pourquoi nous avons retrouvé vos empreintes digitales sur le badge personnel de Wilfried Kirschtein !

– Hein ?

Si Armand ne s’était pas exclamé, je m’en serais chargé. Je regarde Darbellay incrédule, puis je comprends qu’il bluffe. C’est une partie de poker qui vient de s’engager et Darbellay mise gagnant.

– Je... Je ne sais pas... Vous êtes sûr que ?

– Traitez nos spécialistes de crétins et lampistes pendant que vous y êtes ! Oui, Armand, vos empreintes. Celles que vous avez laissées lorsque vous vous êtes rendu, de nuit, incognito à la banque.

– Vous racontez n’importe quoi. Je passe mes soirées ici...

– Et votre femme pourra confirmer bien entendu...

– Vous ne pourriez pas laisser me femme en dehors de ça ?

– Si vous me donniez une explication crédible...

Armand soupire, porte la tasse à ses lèvres, remarque qu’elle est vide, soupire encore une fois.

– Wilfried perd son badge environ deux fois par semaine. Je me demande s’il ne le fait pas exprès. Il l’a oublié dans mon bureau.

– Quand ça ?

– Euh, je ne sais pas. Il y a deux semaines peut-être.

– Et vous lui l’avez ramené ?

– Oui.

– En mains propres ?

– Oui.

– Il peut confirmer ?

– Mais je n’en sais rien. Je l’ai peut-être laissé à sa secrétaire et...

– Vous m’avez dit en mains propres !

– Je l’ai ramené à son bureau et... Mais quelle importance ? C’est un détail. Je ne m’en souviens plus.

Darbellay se lève, prends les tasses et les dépose dans le lave-vaisselle.

– Je crois, Monsieur Armand, que vous allez prendre une veste et venir avec nous.