Darbellay se lève. Je le suis. Nous allons nous planter devant la porte. Il consulte une ou deux fois sa montre. Je songe à rappeler Valentine pour m’excuser, mais je n’ose pas, pas tout de suite. Darbellay me tape sur l’épaule.

– Viens avec moi !

– Hein ? On ne l’attend pas ?

– Si. Mais pas ici.

Et Darbellay contourne la maison, s’arrête à l’angle du mur, s’adosse sort une cigarette, il jette un œil de temps à autre.

– Qu’est-ce que tu fais ?

– Silence, Joss, merde !

Il est bassement vexant parfois, mon aimé collègue. Mais je renonce à lancer le débat. La porte s’ouvre. Armand se glisse au dehors, Il regarde autour de lui, ne nous repère pas. Il referme la porte sans bruit. Il tient une petite mallette qu’il dépose, pour passer les mains dans ses poches, comme pour vérifier qu’il ne lui manque rien. Puis, il court vers la clôture. Darbellay sort de sa cache.

– C’est une habitude chez vous de sortir par la porte de derrière ?

Armand se fige. Les épaules basses, on dirait qu’il s’effondre.

– Pourquoi donc cette envie de nous fausser compagnie ?

– Vous fausser compagnie ? Vous vous méprenez. J’allais simplement vérifier que le portail de derrière était bien fermé. Ma femme n’aime pas rester seule et...

– Vous devriez écrire une encyclopédie des bonnes excuses, Armand ! Allez, suffit les petites escapades... Venez avec nous !

Il monte à l’arrière et durant tout le trajet, alors que Darbellay ne pipe mot, il plaide sa cause.

– Comprenez... Je ne voulais pas m’enfuir. Simplement, vous arrivez au petit matin, vous me posez des tas de question à brûle-pourpoint, comme si j’étais un criminel... Il faut avouer qu’avec vos méthodes un honnête citoyen ne sait plus comment réagir. Faut-il que je prenne un avocat ? Je ne sais pas. Est-ce que je suis suspect, témoin ?... Dites-moi si je dois m’inquiéter... Ou est-ce un interrogatoire de routine ?

– Oui, dit Darbellay. Il s’agit d’un interrogatoire de routine... pour nous !