Ceux de Corneauduc
Cent unième épisode
Chapitre XX
Fanchon court à travers la forêt. Elle ne sait guère où se dirigent les chasseurs, où courent le cerf et le sanglier, mais elle croit dur comme fer que l’amour la mènera à lui. Il ne pourrait en être autrement. Et Fanchon court si vite qu’elle s’envole soudain. Elle est appelée par les cieux, elle voit les hautes branches d’un arbre se rapprocher d’elle et puis tout s’arrête. Fanchon ballote mollement dans l’air, les membres coincés entre les mailles d’un filet.
Assis contre le tronc de l’arbre, nettoyant le coutelas qui lui a servi à actionner le piège, Hector-Maubert sifflote et accorde à peine un regard à sa prise.
– Quelle affluence en Briseglotte... Jamais ce hameau tant d’action ne vit.
– Qui êtes vous Monsieur ? Sortez-moi de là ! Je ne suis point un animal !
– Non. À peine un oisillon étourdi qui ne mérite pas la vie. Un pauvre oisillon qui se balance sous une branche et qui de son plus beau chant appellera mes ennemis !
– Libérez-moi ou j’appelle au secours !
– Allez y, dit Hector-Maubert, c’est tout ce que j’attends de vous.
Il sort une toile de jute de son paquetage et la déplie lentement. Il époussette une petite arbalète et quelques traits de fer.
– Mais qu’allez-vous faire ?
– Crie, crie, te dis-je. Crie ou je te mets fer en gorge !
Et Fanchon réalise à qui elle a affaire. Elle est tombée dans un sinistre piège. Et l’homme au sourire de glace qui semble se désintéresser d’elle est celui qui avait échappé à la vigilance de Gamin. Elle sent que cet homme n’est pas de ceux qui plaisantent et que sa détresse a peu de chance de l’émouvoir. Elle crie donc. Elle est trop loin de l’auberge pour qu’on l’entende. Mais chasseur, maraudeur, ou assommeur qui roderait en forêt, l’oreille tendue, répondrait sans doute à l’appel de cette jouvencelle.
Hector Maubert considère son coutelas, satisfait. Paladins, vagabonds, hommes du Duc et coureur de guilledou peuvent venir. Il est prêt.
– Faire place nette, se répète le bucellaire.
Une fois que retraite sera assurée, il pourra retourner à l’auberge. Et là… |