Ceux de Corneauduc
Cent troisième épisode
Chapitre XX
Hector-Maubert de Guincy s’approche lentement de Braquemart et esquisse une révérence. Le visage du chevalier se balance au niveau du sien. Le sang qui lui descend en tête lui gonfle les traits et donne à sa couperose le teint éclatant de l’aubergine.
– Alors, Monsieur de Montcon, sentez-vous naître à la honte qui vous empourpre les joues un nouveau sobriquet qui vous suivra désormais comme un ombre fidèle ? Monsieur le chevalier à la triste posture !
Braquemart tente de saisir son épée qui lui glisse des mains et choit sur le sol. Il se débat d’autant plus que le taraudent les moqueries du bucellaire. Une remontée de bile lui dévale l’œsophage. Il la remet en place à grands coups de glotte rageurs.
– Que me veux-tu sorcier ? Sache que je te reconnais. Une nuit, tu m’empoisonnas près de rivière pour me délier langue et ce jour tu m’attrapes comme un vulgaire lièvre. A quoi te sont profitables telles fourberies et embuscades ?
– J’aime voir l’homme preux s’emmêler dans ses liens comme moucheron dans la toile. Agite-toi encore un peu et le sang te montera au crâne à le faire éclater. Ainsi le bruit qui dit que le preux Alphagor Bourbier de Montcon s’enfle tant la tête de ses exploits qu’il ne passe plus portail trouvera son écho dans la vérité.
Sur cette saillie qui lui arrache une brève expression de contentement, Hector-Maubert décide que palabres ont assez duré. Il se rassied au tronc de l’arbre et ferme les yeux comme s’il escomptait s’assoupir. Fanchon pleure doucement en sa cage de cordes. Elle ballotte mollement à sa branche alors que Braquemart tente encore de s’arracher à la sienne.
– Ne geignez point ainsi, jeune fille !
– Mais chevalier, tout est ma faute ! Je vous ai attiré par mes cris dans une méchante embuscade. Et nous voici à la merci d’un malandrin dont la seule vue me donne des frissons.
– Naïve jouvencelle. Je ne suis point si facile à prendre. Croyez-m’en, je ne suis pas à bout de ressources. Ce n’est point une corde mal nouée qui mettra à mal un vétéran de la croisade.
Et il ajoute entre ses dents.
– J’espère que cette outre pleine de Gobert ne tardera pas à me courir rescousse. |