Ceux de Corneauduc

Cent septième épisode

Chapitre XXI

Gobert, Raoul et Émile sont encore à cent pas de la colline aux pendus lorsqu’ils entendent les protestations de Braquemart.

– Tiens, dit Raoul le rugueux, le grand soiffard s’égosille...

– Appelle-t-il barrique ou demande-t-il à notre Seigneur bonne averse de gnôle ? Je ne distingue point ses paroles.

Gobert ne se joint pas à moquerie. La voix de son ami le trouble. Alphagor ne crie pas à la soif, il en jurerait. Aussi, freine-t-il le pas et laisse-t-il les deux brigands portés par leur verve gravir la colline à grandes enjambées. Entre les branches, ils commencent à distinguer deux formes qui se balancent au gré du vent.

– Dis donc, Raoul, n’est-ce pas le fier-en-gueule qui pend par un pied ainsi que cochon en boucherie ?

– Il se fait, Mimile. Et la soubrette qui lui faisait l’œil humide pend aussi. Il est malsaine embrouille là-dessous.

Les lames quittent fourreaux. Raoul le Rugueux et Émile la Besogne avancent sur la pointe des pieds en évitant branches mortes. Quand ils arrivent à la clairière, un long personnage vêtu de noir tente de se sauver et trébuche. Il se retourne au sol et leur fait face, l’œil apeuré.

– Dieu des enfers, dit Hector-Maubert d’une voix monocorde, me voilà fait comme un rat !

– Tu l’as dit, malhonnête ! Nul autre que nous peut se permettre de détrousser céans !

– Viens donc par ici, corbeau de mauvais augure, que l’on voie ton frais minois.

Ceci dit, Raoul attrape de Guincy par le col et le remet debout d’une seule main. Puis, ne sachant que faire de ce mou gringalet qui ne porte aucune arme et qui paraît bien inoffensif, il le rejette dans un buisson et s’en désintéresse incontinent.

Émile s’approche de Braquemart qui pend toujours, la tête en bas. Il le considère gravement.

– Je n’aurais jamais cru que ton visage puisse encore violacer.

– Cesse d’ainsi parler et fais-moi descendre. J’ai la cheville en sang et une soif à trancher au sabre.

Raoul clame soudain triomphant : « Regarde, Mimile, le godelureau que voici est bien pourvu de bouteilles. Il y a là de quoi étancher notre soif... »

En effet, gourdes et flacons traînent épars sur le sol. Mimile et Raoul se sentent tout ragaillardis par cette vision.

– Nous larderons le malandrin et nous délivrerons le grand prétentieux lorsque nous aurons étanché, pas vrai Raoul ?

– Étancher sans attendre est le premier commandement de tout homme de bon sens !

– Boire sans surseoir est noblesse du soiffard, renchérit Émile la besogne.

Tout à leur joie de dépuceler flacons, il ne remarque pas la lueur dans les yeux d’Hector-Maubert. Ce n’est plus un prisonnier aux abois qui leur fait face, mais bien le fielleux mercenaires qui joint les mains non en prière, mais pour se les frotter de contentement.

– Détachez-moi, hurle Braquemart !

– Ce grand dadais qui s’est fait prendre dans un traquenard de fillette estimerait-il être de plus d’importance que lampée ?

– Ne buvez pas ! C’est un piège !

Mais déjà, les deux brigands se sont renversés les flacons dans la gorge. Ils déglutissent en cadence, la gorgée fière et le bras solide, mais peu à peu leurs jambes ploient et ils glissent au sol comme poupées de chiffon.

– Ce n’est pas là boisson chrétienne, dit Émile la besogne avant de sombrer.

 
 

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