Ceux de Corneauduc

Cent huitième épisode

Chapitre XXI

Gobert, qui a assisté de loin à la scène, se camoufle derrière un fort tronc.

– Je me doutais bien qu’il y avait là triste combine, se dit-il. A-t-on idée de se jeter ainsi tête baissée pour offrir gorge à l’ennemi ? Et il me semble que ce noir intrigant et ses boissons du diable ne me sont point inconnus.

Le forgeron scrute la petite clairière et le grand chêne dont les branchages dominent la clairière et portent deux drôles de fruits qui mûrissent à vue d’œil. Il regarde Émile et Raoul au sol, le cruchon toujours aux lèvres, et se dit que le salut de ses camarades repose uniquement sur ses fortes épaules. Cette seule pensée suffit à lui donner grand soif qu’il tente de réprimer en avalant à contre-glotte une salive épaisse comme de l’étoupe.

– Tranchez la corde du chevalier, par pitié, Messire, supplie Fanchon, vous voyez bien que le sang va lui faire éclater la tête.

Hector-Maubert se contente de hocher les épaules tout en continuant de ranger ses flacons épars.

– N’implorez point ce serpent, ma damoiselle, souffle Braquemart faiblement, je fus meurtri bien pis chez les Berbères cannibales d’Anatolie.

– Tranchez la corde, le prie à nouveau Fanchon, n’avez-vous donc aucune âme ?

Hector-Maubert la considère, l’œil froid. Le pli de ses lèvres dessine comme une mauvaise estafilade au coutelas.

– Si je m’avisais de trancher quelque chose, ce serait autre chose que cette corde, gente damoiselle. Et je ne crois pas que ce serait là spectacle agréable à vos yeux.

Le bucellaire entreprend de ficeler soigneusement les deux brigands qui ronflent et qui hoquettent comme verrats après l’auge. Il leur entrave les poignets aux chevilles derrière le dos et serre les nœuds de toutes ses forces.

– Si votre prétendu chevalier et ses compagnons étaient moins soiffards, vous ne pendriez pas ainsi comme coing blet. Si par fortune vous vivez outre ce jour, apprenez cette leçon, jeune tourterelle.

Hector-Maubert remet en sacs son attirail et sangle le tout à la selle de son cheval. Il travaille prestement, sans geste inutile, tout en continuant de pérorer :

– Constatez qu’il ne m’a guère été difficile de vider la forêt de ses hôtes indésirables. Un peu de ruse et de vulgaires cruchons ont suffit. Maintenant, veuillez me pardonner ma chère ; j’ai rendez-vous avec une Duchesse.
Et il monte en selle.

 
 

Que vois-je quand ta robe trop ample mousse ?
Faut-il donner la meule onze aux porcs tôt ?
Le musicien aime-t-il gagner son fric en do ?
Balles de flic ou pruneaux d’agent ?
Le prochain épisode se fera-t-il prendre par derrière ?