Ceux de Corneauduc
Cent dix-huitième épisode
Chapitre XXII
Camilla Clotilda di Capodistria ne se fait pas attendre. Elle paraît dans la salle, la démarche affectée, suivie d’un Vailles plus courbé que d’ordinaire qui l’enrobe de belles paroles. Le Duc est là, attablé, les poing serrés, les pognes comme perdues sur le lourd plateau de mélèze.
– Vous m’avez fait convier, mon digne époux ?
Le Duc soupire et contemple son godet vide d’un œil triste.
– Digne, je ne suis guère, ma mie. J’ai certes vécu disgrâce, mais la guerre est mon ouvrage. Vous avez connu pour votre part péril que Duchesse ne devrait subir. Aussi me faut-il entendre de votre bouche le récit de votre aventure et l’explication du miracle qui nous permet de nous retrouver dans cette sèche mais providentielle auberge.
Camilla Clotilda sent mauvaise boule lui monter à la gorge. Il est plus aisé de défier le Duc à la couche où il n’est plus rien, qu’en salle d’auberge, entouré de ses troupes, là, où malgré douleur et mauvaise fièvre, il demeure le maître.
– Je ne saurais vous conter pareille épopée sans que l’émotion ne me renverse...
– Essayez, ma Dulcinée, j’ai besoin de lire à vos lèvres à quelle sauce je mangerai l’ignoble du Rang Dévaux...
– Mon époux, vous savez pourtant que je suis indisposée et...
Le poing ducal tonne sur la table et arrache au Duc un juron de douleur.
– Mortemarâtre de tison fourré ! Narrez, Camilla Clotilda, narrez puisque je vous l’ordonne !
Le Chevalier de Vailles s’avance et aide galamment la Duchesse à s’asseoir. Il en profite pour prendre parole.
– La Duchesse m’a confié, mon Seigneur, qu’elle fut secourue par preux Chevalier du Duché. Mais je laisse à sa bouche le soin de vous narrer épopée. |