![]() |
||||
![]() |
||||
Chapitre I |
||||
Épisode 003 |
||||
- Je ne m’entends guère en us de suzerain, dit le Berthoux en essuyant du bras la commissure moussue de ses lèvres, mais je ne vois pas pourquoi ces cousins dont nul ne veut et qui ont aux bottes terre étrangère à Minnetoy-Corbières prendraient le pouvoir et décideraient de notre sort. À ces mots, le silence se fit. Alors Braquemart, à mots choisis, fit montre de sa science. - Les règles de nos ancêtres le stipulent : le sang fait l’homme. Peu importe si les cousins sont nés loin de Minnetoy-Corbières et qu’ils n’y pointent leur triste hure qu’une fois l’an pour bombance, ils sont les seuls mâles dont le sang soit celui du duché. Et la rumeur dit qu’ils n’attendront pas la fin du duc. Si Freuguel Childeric venait à convenir publiquement de sa disgrâce, ses vils parents réclameraient incontinent ce qu’ils jugent être leur dû et iraient jusqu’à faire le siège du château pour parvenir à leurs fins. Braquemart se racla la gorge pour reprendre voix, puis finit son godet d’un ample geste. Il y jeta un regard mélancolique puis le posa sur la table pour reprendre le fil de son discours. - Et leur bannière y flotterait bien vite, croyez-m’en les amis. Depuis sa campagne contre la baronnie du Rang Dévaux, le pauvre Freuguel Childeric est atteint non seulement dans sa chair mais aussi en son âme. Il n’a plus guère envie de se battre pour faire valoir bon droit dont nul héritier ne profitera. Je le vois baisser les bras. Oui, de sombres temps attendent notre pauvre village. Remets-moi chopine, Morrachou. Le sieur Morrachou, pourtant preste à l’accoutumée pour remplir godets, ne bougeait point de derrière son long comptoir de bois noirci. Il se pétrissait les mains et baissait les yeux, comme honteux. - Il ne m’est point coutume de te refuser à boire, Alphagor, mais édit de deuil a limité buvage à trois chopines par homme. Le duché ne veut point que ses larmes soient souillées de trop de paillardise. Et même si je vis du commerce de boissons, je ne peux que m’incliner devant cette règle sage. Et la confrérie de bons buveurs baissa le chef, comme prise de honte. Indécente est parfois l’envie de s’enivrer. - Tu dis juste, Morrachou, affirma gros Louis en reposant chopine. Il est dit qu’en ce jour, je ne boirai plus. - Gorge sèche sera notre pénitence, je m’incline donc aussi, renchérit Alphagor Bourbier d’un geste cérémonieux. Il respira fortement par le nez en bombant le torse, comme pour mieux faire sienne telle résolution. - Laissez-moi d’ailleurs vous faire l’éloge des Tatares abstinents d’Abyssinie. La porte de taverne grinça alors à pleins gonds pour saluer l’entrée tonitruante de Gobert Luret. - Messieurs, je vous le dis non sans émotion. J’ai couché avec ma femme ! |
||||
Qui va à la chasse tire l’eau. | ||||
© Cousu Mouche, 2006-2007, tous droits réservés |
||||
![]() |