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Chapitre III |
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Épisode 014 |
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Hugues-Godion de Villenaves entra dans la pièce, guidé par deux gardes, les yeux léchant le sol. Son apparence de rebouteux, de moins que rien, de vagabond, ne lui permettait pas de regarder en face les hommes qui parlaient fort en fond de salle. - Pardieu, mon cher Bourbier. Il n’est dont point fût dont vous ne voyiez le fond ? - Finir mon verre et mon assiette est seule politesse que je dois au Seigneur. Je suis un homme, libre, un chevalier, et j’aime voir tourner le monde autant qu’il me plaît. - Ah, voilà noble pensée ! On me traite parfois d’inculte sous prétexte que je ne sais lire comme il conviendrait à homme de sang bleu ! Mais foin de bois de millecharre ; je sais compter, chanter et boire ! Et tanner les fesses du ménestrel qui ne sait que susurrer sonnet, alors qu’en tablée belles épopées méritent d’être contées à pleine voix ! Et je sais reconnaître l’homme fin lorsque je lui fais face ! Que dites-vous Bourbier ? - À boire, disais-je votre excellence. Vous conversez fort lestement, la main crochée au pichet, mais vous ne servez guère. Alors, je dis, à boire ! Le duc partit d’un gros rire, toussa et cracha dru en pilonnant l’épaule de Braquemart, mais le raclement de gorge de son épouse le calma incontinent. - Mon époux, voici le rebouteux qui est venu vous proposer ses services. - Quoi ! Encore un ! Donne-le à manger aux chiens ! - Childeric, vous avez déjà oublié que vous l’avez fait monter pour soigner ce pauvre Achille. - Fi donc ! Où avais-je la tête ! Faquin, mon sanglier est là. Soigne-le et tu auras piécette. Sinon, tu lui serviras de repas. - Monsieur est trop bon, dit de Villenaves en saluant bas. Hugues-Godion de Villenaves était parvenu au cour même du duché et pouvait tendre l’oreille aux dires des souverains. Proposer ses soins si à propos était un fine ruse. Décidément, ce métier d’espion lui seyait fort bien et l’excitait beaucoup plus que courir la chambrière dans les corridors du manoir de Cassone. Il s’accroupit au flanc d’Achille. Le sanglier avait la panse pleine à craquer et peinait à respirer. Il ne bougeait point ; mais Hugues-Godion n’aimait guère le regard peu amène que lui lançait l’animal. - La poudre dans le fondement, m’a dit Martingale. Eh bien, soit. Ne couine pas, cochon malade, tu m’empêcherais d’entendre plus loin fort instructive conversation. Il prit forte poignée de poudre et enfonça le poing au lieu dit ; Achille poussa un cri à glacer le sang, se mit d’un bond sur pattes, rua pour expulser le malotru, puis le chargea comme taureau. Hugues Godion de Villenaves regardait bouche bée l’animal lui foncer sus, incapable du moindre geste. L’impact envoya le rebouteux dans les airs. Il se retrouva suspendu au lourd lustre surplombant la table. Le sanglier monta sur le meuble, renversant tout, et sauta tant et si bien qu’il attrapa la cheville de l’homme entre ses dents. Hugues hurla de douleur et tomba entraîné par le poids de la bête. Tous deux roulèrent au sol sous les rires et les encouragements du duc. - Bravo, manant ! Ta médecine est très efficace et très divertissante. Quand tu auras fini de jouer avec Achille tu viendras boire avec nous. |
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Au nid soit qui mâle y pense. | ||||
© Cousu Mouche, 2006-2007, tous droits réservés |
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