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Chapitre III |
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Épisode 015 |
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Hugues-Godion de Villenaves essaya vainement de ramper sous son assaillant, mais Achille n’était pas disposé à relâcher l’étreinte et titillait la nuque du faux rebouteux d’une défense grasse, mais foutrement pointue, tout en le maintenant au sol de tout son poids. De Villenaves appelait à l’aide d’une voix plaintive, ce qui faisait redoubler les rires du duc qui s’ébaudissait fort de la scène. - On dirait bien qu’Achille cherche à rendre la pareille à ce manant ! Je regrette ce temps où j’avais semblable vigueur ! Il fallut compassion d’une jeune cuisinière et double marmite de ragoût pour que le sanglier daigne oublier sa proie et se mette à bâfrer avec son entrain coutumier. Malgré les élancements et les plaies qui lui couvraient le corps, Hugues se rendit près du feu comme l’invitait à grands gestes le duc. On lui permit de s’asseoir sur une escabelle non loin du fauteuil ducal et une forte pinte lui fut servie, dans laquelle il trempa les lèvres avec ostentation. - Mais regarde donc, Bourbier ! Ce drôle ouvre à peine la bouche ! Eh, l’ami, ce n’est pas ainsi que l’on boit ! Et pour prouver ses dires le duc s’envoya plein godet derrière le plastron. Le rot de contentement qui ponctua la scène eut pour effet de mettre en rage la duchesse. - Mon ami, il se fait trop longtemps que ma patience s’érode à vous voir ainsi, fier de vos gaudrioles de saltimbanque ! Offrez donc digne récompense à ce malheureux guérisseur et congédiez-le afin que nous puissions nous entretenir avec le chevalier de Montcon du sujet qui nous occupe ! - Nous pouvons nous entretenir séant, ma douce. Et nul besoin comme vous dites de congédier cet amusant médecin qui gigotait comme saint Guy sous un petit cochon. L’épisode a prouvé qu’il est inoffensif. - Je ne voudrais pas que trop d’oreilles. - Allons, Camilla Clotilda, vous savez bien que les gueux n’ont point d’oreilles. Hugues-Godion s’efforçait de regarder dans le vague ; comme absent aux paroles ici dites. Il ne se troubla pas, alors même que la duchesse le scrutait avec soin. - Soit, dit-elle enfin. Chevalier, vous n’êtes pas sans savoir que le duché vit troubles moments. Braquemart, qui s’était un tantinet assoupi, bercé par les vapeurs du vin, sursauta et se tourna vers la duchesse. - M’adressâtes-vous la parole, Madame la Duchesse ? Je guerroyais au loin. - Êtes-vous prêt une fois de plus à servir votre duché et à lui venir en aide en moments difficiles ? Le chevalier était déjà debout, le poing sur le cour et l’autre sur l’accoudoir du fauteuil pour ne point choir. - Tous mes membres vous appartiennent, ma Magnificence, et il ne vous suffit que d’ordonner pour qu’incontinent ils vous obéissent ! Il ne m’est de plus grande joie que de servir mon duché et dussé-je allé en enfer même pour combattre, j’irais le cour fier et sourire aux lèvres. - Point ne vous sera demandé d’aller si loin, mon brave ami, une simple petite excursion en provinces d’Italie suffira. |
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Qui va en échasses, perd sa classe. |
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