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Chapitre VII |
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Épisode 035 |
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Le soleil se levait à peine lorsque Le Roulis pénétra en taverne du Porc Buvant. Marion était là, qui récurait la salle à longs et amples mouvements. Elle tordait son torchon en soupirant ; elle n’avait visiblement pas encore dormi. Le capitaine s’assit à une table. Elle lui jeta regard sans âme et poursuivit sa tâche. - La soirée fut difficile ? Il suffit parfois de trouver bon mot pour que se rompent les digues. La Marion qui passait soirées à supporter outrages ne rêvait que de confesse le matin. Mais elle avait fessier trop propice à la main pour que curés l’acceptassent en confessionnal de peur de diable tenter. Elle devait se contenter de profane compassion. Elle inspira longuement et débita d’un trait : - Ces gras parleurs de campagne qui se croient beaux quand ils ont bu sont épuisants. Il était tard dans la nuit quand le grand avec lequel vous buviez hier soir chercha à m’isoler en coin de salle en hurlant chaque fois que je lui échappais « La croupe ou l’eau-de-vie ! ». Et l’autre, tout rouge, riait en laissant filer des filets de baves comme je n’en vis nuls pareils. Ils allaient à toutes tables pour finir fonds de bouteilles et chantaient antiennes qui auraient fait rougir ma mère qui n’était point pourtant fille chaste. - Et où sont-ils maintenant, ces fiers-en-bouche ? - Le patron ne voulaient point qu’ils couchassent dans la salle, comme ils prétendaient le faire, de peur qu’ils ne courussent en cave où en mienne chambre dès qu’il aurait l’oil fermé. Il leur a offert le lit à l’étage. Ils y sont montés il y a moins d’une heure en hurlant mille morts à ce pauvre Benoît. Si vous voulez les voir, contournez la maison et prenez l’escalier derrière, au-dessus du poulailler. Le Roulis remercia, sortit, contourna la maison, monta l’escalier et ouvrit la porte brusquement. - Debout là-dedans ! La mer vous attend, paresseux ! Il arrêta net saillie. Dans la chambre, il n’y avait personne. Les lits n’étaient point défaits. Il grogna, tempêta, ouvrit armoire et coffre par acquis de conscience, mais il n’y avait aucun doute : les deux drôles avaient pris la poudre d’escampette. Après chopinée de cette envergure, il fallait Dieu qu’ils aient bonne raison ! Le Roulis sentait sueur rance lui glisser le long du dos. Quelqu’un les aurait-il renseigné sur ses sombres intentions ? Le Capitaine des archers serait-il derrière cette histoire comme le suggérait Paupière ? Le Roulis redescendit les escaliers sans entrain. Par acquis de conscience, il jeta un oil aux écuries. Le gros forgeron avait dit être venu à dos de mule ; mais les stalles n’étaient occupées que par des chevaux. Le garçon d’écurie sortit d’un tas de foin où il somnolait. - Je puis quelque chose pour votre service, capitaine Courtevoile ? Le jeune homme se frottait les yeux et des épis s’étaient emmêlés à ses cheveux. - Dis-moi, Fanfan, que sont devenus les deux étrangers, le grand barbu et le gros blond ? Les as-tu vu ce matin ? - Pour sûr, capitaine, ils ont récupéré leurs montures il y a de cela une heure. Ils avaient mission urgente m’ont-ils dit. Ils tenaient à peine en selle. Le Roulis ressortit en serrant les poings. Il n’avait plus qu’à gagner Palavas pour expliquer à Paupière que la livraison n’aurait pas lieu. Il imaginait déjà les hauts cris de son compère et la mauvaise réputation qu’il lui collerait au fessard dans les bas-fonds de Montpellier après pareille déconvenue. En ruelles voisines, il demanda à quelques artisans mal réveillés s’ils n’avaient pas vu passer des dadais des campagnes, mais personne ne semblait ou ne voulait se souvenir. L’affaire était foutre mal engagée. Le Roulis récupéra son cheval et, à petit trot, se dirigea vers la porte Sud de la ville. |
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Si matin te trouve léger, au soir garde lest. | ||||
© Cousu Mouche, 2006-2007, tous droits réservés |
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