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Chapitre VIII |
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Épisode 039 |
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Quand le soleil disparut à l’ouest, ils étaient en pleine mer. On n’apercevait plus la côte et nulle embarcation n’était à portée de vue. Avec le soir, le vent tomba et la mer se calmait, ramenant la paix dans les estomacs malmenés. Le Roulis convia Paupière à le suivre en sa cabine après avoir ordonné à Ménotoire de descendre de son perchoir pour aider les autres à abaisser les voiles. La porte grinça sur une petite pièce basse de plafond. Le capitaine alluma la lampe et s’assit à sa chaise devant table où fouillis de cartes maritimes et instruments de mesure s’étalaient. Paupière restait debout, comme enfant en pénitence. - Parlons franc, Le Roulis, je ne te comprends pas. Tu vois le mal partout, alors que les méchants, c’est nous. Il n’est Dieu pas interdit de faire des affaires avec gens trop naïfs pour se faire payer bon prix ! - C’est toi qui est naïf, Paupière ! Il suffit de regarder celui qui semble être leur chef dans les yeux pour savoir qu’il n’a rien d’un benêt. Et ses mains semblent plus faites pour tenir la dague en cour que pour tirer cordage à bord. Non, Paupière, ces gens cherchaient à se faire embarquer. Tu croyais te servir d’eux, mais ils se servent de nous. Nul ne s’abaisse à être ainsi sous-payé alors que l’on trouve du travail moins dangereux sur le port, à part, peut-être, quelques jeunes godeluraux épris d’aventures. Ils avaient, tu peux m’en croire, bonne raison de venir à notre bord. Paupière se mit à trembler comme broussaille dans le mistral. - Ce serait donc des espions du Capitaine des archers qui sont là pour nous prendre mains au sac et forfait faisant ? Il faut abandonner marchandise ! Le capitaine fit un geste de dénégation et profita de l’inertie ainsi acquise par sa main pour l’étirer vers l’étagère où reposait fiasque de vieux vin ramené d’Italie. - Je t’ai déjà dit moult fois que le Capitaine des archers mangeait dans ma main et que nul péril ne peut nous advenir de sa part. Non ces drôles ne sont pas hommes de loi ; ils ont des allures et des paroles qui ne sont pas celles de gens d’armes. Le renard déguisé en chien n’en prend pas par magie tous les attributs... Paupière se passa la main sur le front, l’air pensif. - Peut-être alors ont-ils commis quelques larcins ou quelques crapuleries et préfèrent-ils s’éloigner de la côte pour un temps. - Je t’avoue que j’ai songé à cette solution. Je ne l’exclus pas et j’aimerais beaucoup que la vérité y ressemble. Mais tu sais comme moi que brigands de Montpellier n’aiment point concurrence et que si des nouveaux venus avaient fait parler d’eux dans la région, nous en aurions sans doute ouï quelque ressac. - Mais pourquoi, pourquoi sont-ils montés à bord si ce n’est pour gagner ténue mais honnête solde ? - J’en arrive à penser qu’ils ont compte à régler avec ce Braquemart et son gros compère. Je ne t’ai pas tout dit à leur propos tant ce que ces deux-là m’ont conté me semblait fable pleine de vent. Paupière reposa son verre de vin sans y avoir goûté. - C’est stupide, Le Roulis ; ils ne se connaissent pas même et jamais l’un d’eux ne leur a adressé la parole. - Il n’est pas toujours besoin de se connaître pour se larder le ventre, et. Le Roulis suspendit sa phrase et posa l’index en travers de ses lèvres ; il se leva sans bruit, fit signe à Paupière de prendre son arme, et d’un geste brusque il ouvrit la porte de la cabine. |
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Sang d’encre, stylo mou. | ||||
© Cousu Mouche, 2006-2007, tous droits réservés |
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