Chapitre X
 
Épisode 050
 

reult Stebouf se massait les poignets et les chevilles où sang plus guère ne circulait, alors que Hérard crachotait bouts de chanvre.

- Il n’y a pas à dire, rien de plus difficile que de se dépêtrer de nouds de marins.

- Et encore, ce n’est point toi qui dut ronger.

Ils étaient accroupi sous l’escalier de la cale et écoutaient les bruits sur le pont. Une fois de plus, ils se félicitaient d’avoir passé enfance en foire, où d’acrobaties en contorsions, ils avaient appris à se débarrasser des liens et des verrous que l’on pouvait dresser entre eux et leur liberté.

- Retrouvons nos armes et allons trancher la gorge de ces assommeurs...

La nuit était encore noire et ils purent se glisser sans peine jusqu’à la cabine du second. Au bout du pont, ils devinaient des ombres, et des voix leur parvenaient par bribes. Ils trouvèrent bien vite ce qu’ils cherchaient dans le coffre du marin et, furtifs comme des ombres, s’approchèrent du groupe qui haussait le ton à chaque phrase.

***

Hugues-Godion de Villenave négociait de son mieux, mais l’arme de Paupière qui ne quittait pas son gaster limitait fort sa marge de manouvre.

- Il n’est point l’heure de se battre. Nous voulons simplement que vous nous posiez à terre.

- Non, cargaison a été livrée et il est l’heure de ramener bateau à bon port. Ton compagnon et toi devez retrousser les manches et cesser de me faire gaspiller salive.

- Nous devons poursuivre notre route en Italie pour des raisons qu’il serait trop long de vous expliquer.

Le capitaine Courtevoile sortit son sabre et le pointa sur la gorge de Hugues-Godion.

- Raisons dont je me fiche comme premières chausses de miennes cousines ! Allez galapian, écoute le second et rends-toi utile !

De Villenaves baissa le ton et se fit plus insidieux.

- Il se peut, messieurs, que vous passiez à côté de coquette somme. Je vous propose de nous laisser accoster non loin d’ici pour que nous puissions poursuivre notre route. Et nous vous paierons honorablement la traversée.

Baptiste Ménotoire s’approcha. Ses mains pareilles à des battoirs s’ouvraient et se refermaient en faisant un bruit de gond mal huilé. Son visage était impassible mais sa colère éclairait ses yeux de l’intérieur. Paupière le mit en joue de son arquebuse. Le capitaine eut un fin sourire.

- Si bourse il y a, il se peut très bien qu’elle change de main incontinent. Suite de quoi, vous irez prestement hisser les voiles.

Tout le visage de Hugues-Godion se contracta, et il dit d’une voix rauque :

- Je te jure bien que tu me paieras ça ! Tu ne sais pas qui je suis.

- Il se peut, dit Le Roulis Mais pour l’heure sors ta bourse de besace, et lance-la par terre devant le second. Et surtout ferme ton bec, car t’ouïr encore pourrait me conduire à quelque geste regrettable !

Il piqua la glotte de de Villenave de la pointe de son sabre.

Hugues-Godion jeta un oil vers Ménotoire qui haussa les épaules. Tenter le coup de force dans une telle posture revenait à se faire trouer la peau. Ils le savaient l’un et l’autre. Ils n’avaient d’autre choix que de faire le compte des humiliations pour ne rien oublier à l’heure de la vengeance ! Bourse fut jetée dédaigneusement sur le sol. Paupière hésita à se baisser, Le Roulis demanda à Hugues-Godion et Baptiste de se reculer. Paupière ramassa l’argent et le glissa dans sa poche. Lorsqu’il se releva un bruit sec à sa gauche lui fit tourner la tête. Un couteau était fiché dans le bois, à deux pouces de sa tête.

Ce n’était qu’un avertissement; Hérard Stebouf ne manquait jamais sa cible, même dans le noir. Paupière n’eut pas le temps de voir d’où venait le coup, un second couteau lui traversa la gorge. L’arquebuse et la bougie tombèrent au sol. Le second resta debout, cloué au mât. Son sang coulait le long de son corps et une flaque s’élargissait rapidement à ses pieds. La bougie s’éteignit dans un chuintement.

 
 
Quand il pleut des cordes, les pendus dansent.