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Chapitre X |
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Épisode 052 |
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Ménotoire ramait à grands mouvements de bras, en soufflant fort. - On n’y voit goutte, grommelait Hugues-Godion. On n’y voit goutte et l’on n’avance pas ! - Si vous n’êtes pas content ; vous n’avez qu’à prendre les rames ! - Plaît-il, Stebouf ? Je n’aime guère la façon dont tu t’adresses à moi. Tu me dois obéissance. J’espère ne pas avoir à le répéter. - Je dois obéissance à l’homme qui doit mener notre expédition à bon port et non point à l’homme qui n’a pas même cherché à nous sortir de cale et qui se laissait mettre en joue par un vieillard boiteux, allant jusqu’à lui donner bourse après avoir marchandé comme jouvencelle et non comme le mercenaire que je vous croyais être ! - Hérard, ce sont là propos pour lesquels je te ferai rendre gorge ! - À votre disposition, dit le cadet des Stebouf, en ouvrant sa veste et en se redressant en barque. Puisque vous provoquez, je choisirai les armes. Hugues-Godion sentit sa gorge se serrer en voyant lame paraître aux doigts de Hérard. Quelle mauvaise fortune que de devoir commander à plus dangereux que soi ! Point mille stratégies en ce cas. Gagner du temps et profiter du répit pour mettre embûches sur la route de son ennemi. Hugues-Godion se leva lui aussi. Le tangage l’empêcha de mettre dans son mouvement autant de superbe qu’il l’eut désiré, mais, au moins, sa voix ne tremblait pas. - Je ne me soustrairai pas à ton défi mais notre mission prime sur notre conflit, tu le reconnaîtras. Finissons-en avec l’héritier et avec Bourbier et Luret, touchons digne récompense de la main de Fargerand. Ensuite de quoi, nous nous battrons. Au couteau si tu le désires. Il se rassit. Hérard l’imita, non sans jeter un coup d’oil interrogatif à son frère. Greult haussa les épaules. Il ne comprenait pas, lui non plus, l’attitude de Hugues-Godion. Mais, à tout prendre, ils étaient deux pour surveiller le malsain personnage et éviter ses coups en traître. Alors autant aller de l’avant, jusqu’à bout de mission, et toucher l’argent promis. Ménotoire ne forçait plus sur ses rames. Il les lâcha même pour désigner l’ombre du bateau. - Je ne vois plus même lueur de mèche ; et ce fichu bateau n’explose toujours pas ! Les trois autres se retournèrent de concert. - Peut-être écumes et embruns ont-ils éteint la mèche, suggéra Greult. - Peut-être surtout n’avons-nous point assez entravé ce fichu capitaine. Je n’aime pas trop l’idée de l’avoir vivant dans notre dos. Les vieux ont la rancune aussi tenace que l’existence ! Comme pour lui répondre, une détonation se fit entendre et sembla secouer le ciel. Le bateau s’enflamma comme torche et la lueur du brasier accompagna longtemps les coups de rame de Ménotoire. - Voilà bonne chose réglée, dit enfin Greult Stebouf. Au moins nous n’aurons plus à craindre danger derrière nous. - Par contre, si les gens d’arme ne sont pas aveugles et sourds dans ce pays, c’est bientôt devant nous qu’il y aura à craindre, grinça de Villenave. Et encore, c’était là moindre inquiétude ; le regard mauvais de ses compagnons lui démontrait que, pour lui, danger était partout. |
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Bois d’ébène, plein la benne. | ||||
© Cousu Mouche, 2006-2007, tous droits réservés |
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