![]() |
||||
![]() |
||||
Chapitre X |
||||
Épisode 053 |
||||
- Bougremissel ! Tu pourrais m’aider à tirer chaloupe au sec ! Je n’ai plus nulle force, moi. - Excuse-moi, Gobert. Je suis à songer. Le forgeron fit trois fois tour de rocher avec une lourde corde puis, satisfait, se saisit de la première caisse pour l’aller déposer sur le sable quelques pas plus loin. Sur son perchoir, Braquemart n’avait toujours pas bougé. - Songer ne déplace point chaloupe et ne décharge point caisses non plus. Viens plutôt m’aider. - Gobert, j’ai pris noble décision durant notre traversée. Nous ne retournerons pas chercher le reste de ce fichu chargement. Notre mission prime sur tout. Gobert en lâcha une caisse de surprise. - Car tu comptais sérieusement retourner au bateau ? Alphagor se racla la gorge. - Non, non bien sûr. Par contre, si ce qu’on a dit sur cet Alfonsi est vrai, nous aurons tout intérêt à prendre quelques précautions. Nous n’avons pas là quart du chargement et il faudra sans doute lui rendre des comptes. Mais commençons par placer son dû en lieu sûr. - Mais que crois-tu que je suis à faire, bougremissel ? ! Alphagor Bourbier sauta enfin sur la terre ferme, tangua un peu, et dit de fort docte voix, pointant haut le doigt pour prendre le ciel à témoin. - Gobert Luret, mon ami, manque de boisson te mets de tristement sale humeur. Je n’aime pas ce rude ton dont tu uses pour me tancer. - M’aider à porter caisses ne t’ôtera point usage de parole. Et nous devrions peut-être nous dépêcher avant que ronde de gens d’armes ne nous tombe sus. Braquemart allait pour répondre d’importance, mais le passage de fouine ou de mulot, non loin de lui, le fit sursauter. Il fouilla les ténèbres de droite et de gauche sans rien y lire de rassurant. - Je me mets incontinent en recherche de la grotte. Un bruit et une vive lueur au large les firent se retourner tous deux. - Bougremissel ! Quel est ce nouveau sortilège ! - Ma foi, on dirait Dieu que le bateau vient d’exploser. Que ce sera-t-il donc passé ? - Il faut dire qu’avec toute la poudre restée à bord, il y avait de quoi faire sauter tout Minnetoy-Corbières ! - Je ne crois pas que ce soit la poudre, Ventrapinte, mon ami. Pour avoir tâté du ratafia de cet excellent Le Roulis, je peux te dire qu’il ait suffi qu’il rote un peu près de lanterne pour produire tel cataclysme. Il me souvient d’ailleurs d’une barrique qu’un vieil enseigne avait ramenée des steppes. - Je me demande ce qu’il advient de l’équipage. Le bateau coule déjà. - Tu sais, ces marins sont tous d’excellents nageurs. Du moins, voilà qui nous fait une excuse toute trouvée pour Alfonsi : le reste de sa marchandise est au fond de la mer ! - Finissons vite labeur, Braquemart, j’ai bien peur que cette explosion n’ait attiré l’attention. Les compères eurent bien vite terminé de leur tâche. Tirant sur ses bras, en un dernier effort, Gobert hâla chaloupe jusqu’en buissons, tandis que Braquemart balayait le sable du pied pour effacer toute trace de leur passage. - Et maintenant, vieux frère, trouvons la maison d’Alfonsi. - J’espère que ce brigand aura pain et gnôle pour le petit déjeuner. À tant s’être vidé ces derniers jours, mon estomac est un gouffre et ma gorge un désert. Ils escaladèrent la falaise et trouvèrent là-haut petit chemin, qu’ils suivirent. Devant eux, le soleil pâlissait déjà l’horizon. Au loin, ils apercevaient le clocher d’un petit hameau, sans doute San Albertino. Ils y dirigèrent leur pas, tanguant entre les hautes herbes. |
||||
Pêche à la moule, abricot à la morue. | ||||
© Cousu Mouche, 2006-2007, tous droits réservés |
||||
![]() |