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Chapitre XII |
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Épisode 061 |
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Gobert, qui n’avait connu que sa mule, ne se sentait guère à l’aise sur un animal qui passait du pas au trot sans prévenir et qu’il suffisait de caresser des talons pour voir entonner galopade. Jamais sa brave bourrue n’aurait fait montre de telle soumission ; il fallait lui marteler les flancs à l’heure de reprendre la route et ne pas espérer plus que pas. En selle de cette bête trop vive et trop docile, sa vieille mule lui semblait d’autant plus précieuse. Aussi chantonnait-il sans bruit ode de sa source, qu’il avait inventé autrefois, il y avait lui semblait-il trop longtemps, après bonne soirée à la taverne du Sanglier Noir, une fois que son Isabelle l’avait estimé trop saoul, et l’avait laissé au froid, devant huis refusé. Tu n’es guère travailleuse Ô ma bourrue valeureuse Tu n’es bonne qu’à sieste Et même les coups de trique Tu dédaignes l’abreuvoir Et parfois bien je l’avoue *** Malgré nostalgie de l’un et gémissements de douleurs des autres, Hugues-Godion imposait bon train à la troupe. Ils allaient de village en village, en évitant jusqu’à taverne, malgré protestations sonores de Braquemart. Hugues-Godion leur refusa même l’aumône d’une nuit en paille ou en auberge. - Demain nous dormirons et nous l’aurons mérité. Mais pour l’heure il nous faut avancer; mauvaises âmes sont peut-être encore sur nos traces. Gobert se pencha vers Braquemart pour lui glisser à l’oreille. - Ces drôles nous ont certes sauvé la vie, mais de quel droit décident-ils de la direction à prendre. Savent-ils seulement où nous voulons aller et ce qui est bon pour nous ? - Je les ai certes à l’oil, mon bon Gobert. Je ne sais d’où leur vient telle sollicitude, mais rien ne me fait tant frissonner que bonté ; lorsqu’elle n’est point celle du curé, de l’idiot ou d’Alcyde Petitpont. |
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Bière qui mousse, sors les pousses. | ||||
© Cousu Mouche, 2006-2007, tous droits réservés |
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