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Chapitre XIII |
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Épisode 072 |
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Braquemart mit la main sur l’épaule de son compère. - Avant de te couler entre les bras de Madame Luret, il te faudra peut-être jouer du coude et te frayer chemin parmi quelques galants ! Ventrapinte devint blanc comme suaire et se leva d’un bond. - Comment ! ? Toi qui paillardes en soue comme goret, tu oses douté de la vertu de femme mienne ? ! - Si je paillarde en soue, c’est bien pour ne pas déshonorer couche de mes amis. Avec qui donc trinquerais-je ? Rassieds-toi et bois ! Je te taquinais. L e vieil Euzébio se glissa entre les deux et leur remplit godet d’un flacon poussiéreux. Gobert le saisit et le fit passer de narine en narine en humant comme cochon truffier. - Que l’on me fouette si ce n’est pas là du coing ! - Votre odorat n’a d’égal que votre tempérament. Reposez séant et regardez encore un peu la carte ; je vous ai à peine montré chemin. Il faut pourtant que sentiers et villages vous soient connus comme si vous y aviez enfance passé. Que vous vous perdiez et grand péril pourriez connaître ! Gobert lança regard en biais à Alphagor qui levait son verre en lui clignant de l’oil. Leur hôte leur expliqua longuement route à suivre. Elle passait par des petits villages dont ils devaient répéter dix fois les noms pour que ceux-ci entrent enfin en leur entendement : Bezzadone, Aquavino e Sapone, Chiesa de Chianti, Dantinferno, San Jeronimo, Couturiona. Gabriella débarrassa la table, s’arrangeant à chaque passage pour frôler Braquemart qui laissait folâtrer forte paluche dès qu’Euzébio avait les yeux tournés. C’était peine perdue car la godelurette gloussait à chaque pétrissement, faisant fleurir chaque fois sourire aux lèvres de son père. Le vieil homme, sous son visage buriné, avait dû connaître de la vie tout ce qui en fait le prix et savait ne point juger sève qui bouillonne. Quand cruchons furent vides et qu’Euzébio fut certain que les étrangers avaient bien appris leur itinéraire, il alla leur montrer chambre où bonne paillasse les attendaient. Poser leurs habits et s’étendre enfin en un vrai lit leur fut plus grisant que bon vin. - Bougremissel ! Qu’il fait bon de poser la viande en lit chrétien ! La boue du chemin ne convient point à mon dos. - Il est vrai qu’avec ces marins de mauvais augures qui nous ont fait galoper nuit et jour, mes reins n’en pouvaient plus. - Le chemin proposé par notre hôte ne semble point trop périlleux. - Non. Et pourtant, j’en conçois réticences. Le nom de ce village. San Jeronimo. Je jurerais bien l’avoir déjà entendu. - En discours de Duchesse ? - Non point. - En tienne croisade ? - Il se peut. Mais alcool ou poids des ans m’en interdit juste souvenance. Mais quelque chose en moi me dit que souvenance ne m’apportera guère de joie. - Bah ! Tu verras bien lorsque nous y serons. - Certes. Tu n’as point tort. Dormons, Ventrapinte, demain forces ne seront point de trop. Et s’il est vrai que Braquemart entendit longtemps, à porte de chambre, les pas de Gabriella qui espérait sans doute retour de flamme, boissons et fatigue interdisaient au chevalier de trop y penser. Alors, comme la jolie ne daignait point s’éloigner et que ses allées et venues étaient autant de prières silencieuses, Braquemart joignit ronflements forcés à la lourde respiration de Gobert qui ne s’était pas fait prier pour dormir. Enfin, les pas décrur ent et Braquemart n’en conçu guère d’amertume ; il avait mal par tout le corps et avait laissé épée en cuisine. |
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L’Irlandaise polissonne a toujours un roux de secours. | ||||
© Cousu Mouche, 2006-2007, tous droits réservés |
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