![]() |
||||
![]() |
||||
Chapitre XV |
||||
Épisode 083 |
||||
Après avoir montré patte blanche à l’entrée de la ville, Braquemart déambulait au petit pas dans les rues de Vérone. Cette ville populeuse le changeait de ces semaines passées en campagne, dans des hameaux isolés, ou en mer. Il en avait la nuque raide à tant lever les yeux sur tout ce qui s’offrait à son regard broussailleux. Ponts de pierre, larges places, arches sculptées, balcons où compter plus de fleurettes qu’il n’en existait en champs alentours, Vérone était ville à user les yeux avides de trop en voir. Braquemart laissa échapper un sifflement d’admiration. - Fichtre, ce n’est point là bourgade avare de se montrer. Mais tant de beauté finit par lasser l’oil et assèche le gosier. Il eut une pensée pour Gobert qu’il avait abandonné sans un mot d’explication. Il eut été bon étancher soif en sa compagnie. Mais le gros forgeron l’avait regardé avec tant de tendresse et s’étant tant extasié à l’idée de le savoir père qu’il avait failli s’en laisser convaincre. Mieux valait poursuivre seul mission et réfléchir à tout cela devant bonne pinte chez Morrachou. Ici donc, il devait retrouver la piste de la nourrice de l’héritier. Il sortit donc le pli que lui avait remis la Duchesse Camilla Clotilda et qu’il tenait contre sa poitrine. Le papier ne valait guère mieux que charpie, vieilli à toutes les transpirations du voyage. Braquemart se fit pleurer les yeux tant il n’avait pas l’habitude de lier les lettres. Il n’essaya pas même de déplier le feuillet et de lire le mot qu’il devait remettre en main propre à la nourrice, non, il se contenta des trois mots qui voisinaient avec le cachet ducal. - Pourquoi, foutredieu, ces lettres m’échappent-elles ? Ah si seulement Alcyde était avec moi... Oh, quel sot je fais ! Ces mots sont tracés en lettres italiennes, il est bien normal que je n’y entende rien ! Il essaya pourtant de combiner les quelques sons qu’il croyait voir sur le papier. Il se faufila dans la foule jusqu’à trouver lieu de passage où il lui serait plus facile de demander son chemin. Braquemart passa près d’une heure sur grand place à s’assécher glotte à articuler en toutes tonalités le nom d’une femme que personne ne semblait connaître. À bout d’idées, Il lui suffit de montrer du doigt le mot qu’il s’échinait à traduire pour que le vieillard renfrogné qui passait près de lui se détendît. - Ma ! Thédania de Castelfiore ! Et l’homme saisit chaleureusement le bras de Braquemart et se mit à déverser longue diatribe en souriant large. Braquemart comprit que l’homme vantait les qualités de la nourrice et y mettait ferveur et émotion. Tendant le doigt de droite et de gauche, Braquemart tenta de faire comprendre qu’il n’avait nulle idée de la direction à prendre pour trouver le village où vivait Thédania. - Castelfiore, dit le vieillard, et par moult mouvements de bras lui expliqua contours et surprises du chemin. Braquemart n’en retînt que direction générale. Il remonta en selle, quitta la ville et reprit chemin à travers vignes et vergers. Entre les ceps, feuilles et grappes formaient plafond de feuilles et de fruits sous lequel il devait faire bon de dormir son saoul, et pourquoi pas avec jouvencelle, à l’abri des regards. Il arriva à hameau de Castelfiore avant que tombe la nuit. Un gamin tentait d’atteindre un épouvantail avec des cailloux qu’il ramassait par poignées sur le chemin. Braquemart tira sur les rênes, mis sa monture au pas. Il ne dit qu’un seul mot « Thédania », et le gamin, pourtant bien occupé par son jeu, se tourna vers lui pour lui sourire et lui désigna une haute et large demeure entourée de cyprès. Le Chevalier observa longuement la maison mais décida de pousser jusqu’au cour du village, plus par instinct que par entendement. Il y avait là petite place et fontaine ainsi qu’accueillante taverne de laquelle s’échappaient cris enthousiastes de ceux qui ne boivent point à la petite cuiller ! Braquemart hésita un instant à se lancer sur chemin bien fauché et bien tassé qui menait à l’opulente demeure de Thédania. Approche du but lui donnait gorge sèche et il ne savait comment se présenter devant Dame qui arrachait tant de sourires au seul énoncé de son nom. Pour tout dire, sa main tremblait un peu à l’heure de demander l’héritier du Duché à Thédania. Il s’arrêta devant taverne et se dit que finalement, petit verre de fraîche piquette pour fêter proche réussite de sa mission ne serait pas de trop. Il attacha monture et entra. Patron ne parlait certes point langue de France, mais il lui sourit large et remplit fort cruchon avec autant d’à propos que Morrachou le faisant en Minnetoy-Corbières. Braquemart se détendit. Il se sentait chez lui. |
||||
Quand ça monte, pédale et serre les dents. | ||||
© Cousu Mouche, 2006-2007, tous droits réservés |
||||
![]() |