![]() |
||||
![]() |
||||
Chapitre XVI |
||||
Épisode 085 |
||||
Les pieds de Gobert étaient boursouflés à fendre le cuir de ses bottes. Le chemin s’étirait au-delà de son entendement, à colline succédait colline et chaque pas titillait douloureusement cors et cals qui semblaient pousser comme champignons sur ses pauvres orteils. Les paysans croisés en champ désignaient invariablement la même direction et Gabriella osait répéter qu’ils approchaient alors même qu’ils peinaient depuis plusieurs heures. Et pas la moindre charrette allant dans même direction qui aurait pu leur alléger un bout de route. - D’un pas preste, Messire Gobert ! Il vous faut avancer d’un pas preste si nous voulons arriver à temps. Elle en était comme exaltée et le sentier glissait sous ses pieds. - Mais la fatigue ne vous atteint - elle point !? Que donc vous fit Braquemart pour qu’ainsi vous marchiez à sa poursuite ? - Sachez, Messire Gobert, que si les hommes paradent et fanfaronnent de leurs exploits, il n’est point digne à femme d’évoquer instant de couche. Le chemin passait près de vigne et le raisin commençait à dorer sous le soleil. Un toit de feuille se tissait entre les ceps et la seule idée de se prélasser instant à l’ombre coupa ses dernières forces à Gobert. - Bougremissel ! Faites ce que bon vous semble, moi je prends ici juste pause. Il s’allongea juste sous grappe de raisins qu’il avala grain à grain en soupirant fort. Gabriella ne semblait guère satisfaite de ce retard. Elle se tenait là, assise, les mains aux genoux. Gobert la regardait en coin. On lui devinait bon et ferme tétin, ventre douillet et jambes fermes. Point seul jus de raisin lui venait en bouche, mais il chassa l’image peu chaste de sa tête. Celle qui goûta à chevalier ne se contente point de forgeron. Et surtout, il y avait son Isabelle. Gobert ferma les yeux et songea à son épouse, si loin. Il soupira. Il sentait Gabriella, tendue près de lui. - Messire Gobert ? - Oui ? - Est-ce acte de chevalerie de se détourner de brasier que l’on a allumé ? - Pardon ? - Depuis notre première rencontre, le chevalier me ferme sa couche, dort et ronfle en nuit et ne me présente que son dos. Est-ce pudeur ou présence vôtre ou croyez-vous qu’il se soit déjà de moi lassé ? Gobert ne savait trop que dire et trop penser et savait surtout qu’il se sentirait honte aux joues d’aborder tel sujet avec jeune femme. Certains mots se prononcent en taverne, à l’oreille de compère, mais point en jour alors qu’alcool n’est point là pour faire glisser phrases hors de bouche, comme si elles venaient d’autre que soi-même, et surtout pas auprès d’une damoiselle, et italienne de surcroît ! - Vous disiez Gabriella qu’il n’était point digne à jeune femme d’aborder tel sujet. C’était là vérité à laquelle vous devriez vous tenir. Ce n’était point vraiment ce que Gobert voulait dire et il n’aurait jamais voulu le dire si sèchement. Gabriella s’était relevée, comme giflée. - Vous avez raison. Je vous prie de m’excuser. Et elle se tenait là, debout, en valse de trois pas, pressée de le voir se relever. Elle avait l’oil noir et le considérait comme s’il était grande lâcheté de ne point tuer son corps sur la route, comme si chaque seconde perdue condamnait le Chevalier de Montcon. Enfin, Bougremissel ! Si cet incurable bravache entêté de Braquemart avait décidé d’aller de l’avant tout seul, ce n’était tout de même point de sa faute ! Gobert se releva en grommelant. Gabriella ne disait plus un mot. Ils marchaient côte à côte dans le jour finissant, en espérant qu’ils atteindraient Vérone avant le matin. |
||||
Donne ton mou au mouton, thon mou. | ||||
© Cousu Mouche, 2006-2007, tous droits réservés |
||||
![]() |