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Chapitre XVII |
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Épisode 088 |
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Hugues-Godion avait encore en tête les sévices subis en village, les moqueries et les coups. Il en portait la morsure dans chacun de ses membres. Mais la plus cruelle, la plus grande blessure, avait été celle faite à son orgueil d’avoir été cloué au pilori comme un vulgaire manant, un tire-laine du commun. C’était tout cela qu’il comptait faire payer à cet infatué chevalier de Montcon, vulgaire trogne à goutte de taverne qui se faisait passer pour héros, alors que ses seules qualités étaient d’avoir le gosier d’airain et la langue bien pendue. - Emparez-vous de lui ! Que nous nous amusions un peu ! Greult s’approchait, son fil de fer tendu, les poignées bien en mains, Ménotoire empêchait toute sortie, obstruant de sa masse la seule issue de la pièce. Braquemart sentit sueur lui envahir le front. Il n’allait tout de même pas ainsi se laisser faire. Il prit son élan et bondit sur la table, un peu trop vite, un peu trop loin. Il bascula en arrière en moulinant large des bras et s’affala entre cheminée et bibliothèque, le cul sur l’arme qu’il n’avait point encore sortie de fourreau. - À toi, Ménotoire ! Baptiste, d’un bond, s’élança par-dessus table. Mais celle-ci craqua en son milieu, emprisonnant la jambe du colosse qui bascula en avant et donna du chef contre le mur de pierre vénérable. On entendit un craquement et un moellon fut desserti alors que livres tombaient de bibliothèque. Ses yeux dessinèrent comme tourbillon et s’éteignirent d’un seul coup. Il s’écroula au sol dans les débris de la table et les livres, sa jambe fortement entaillée par bouts de bois affutés. Braquemart était debout, arme au clair et rage aux lèvres. Rien de tel que prémisses de combat pour assouplir gueule de bois. D’une botte sévère en plein front, il s’assura que le réveil de Ménotoire n’interviendrait pas trop tôt, puis il s’avança vers Greult. Le tremblement de ses mains agitait son arme comme si elle avait vie propre. Lame ferme contre fil de fer, les forces avaient changé et Braquemart s’avançait sourire en coin face au frêle Stebouf. Il ne comprit rien au mouvement de bras de son adversaire, vit juste le fil s’enrouler autour de la lame de son épée. L’instant d’après, il avait les mains vides, et pointe de son épée était fichée à l’autre bout de pièce, enfoncée d’un bon pouce dans la porte à un empan de la tête de Thédania, qui poussa un cri. Greult Stebouf était face à au chevalier. Il rangea son fil sans le quitter des yeux et sortit lentement son épée. Il s’avançait l’oil torve, bavant déjà son triomphe. Thédania s’était reculée à petits pas de souris grise vers le coin de la pièce. Une corde était fixée au mur, qui passait par poulie au plafond, soutenant la lourde et vieille roue de charrette, ornée de bougies, qui faisait office de chandelier. Elle saisit l’épée de Braquemart, l’arracha de la porte et du même mouvement trancha la corde. - Indietro Brigante ! Elle avait crié. La roue s’écroula sur Greult qui fut plaqué face contre terre. Déjà Braquemart était sur lui et le frappait à pleine volée pour finir de l’assommer. C’est alors qu’il senti pointe d’épée lui caresser la pomme d’Adam. - Soit. Vous êtes plus coriace que je ne l’imaginais mais cela ne vous suffira pas à rester en vie. Thédania pleurait en silence. De Villenaves l’avait désarmée de sa main libre et avait lancé l’arme sous le buffet. Deux pas lui avaient été nécessaire, deux pas pour rendre Braquemart plus démuni que l’agneau. Le chevalier releva les yeux sur Hugues-Godion et sut que de cet homme on ne pouvait espérer ni erreur ni pitié. |
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Tant qu’y a de l’eau-d’vie, y’a d’l’espoir. | ||||
© Cousu Mouche, 2006-2007, tous droits réservés |
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