Quelques minutes plus tard, Nicky se dirigea discrètement vers la sortie. Il commençait à étouffer dans cet espace confiné où les invités agglutinés autour du gâteau se gargarisaient d’artifices. Claude lui avait dit de revenir demain, à neuf heures. Pensif, il releva le col de son imperméable. Des visages entrevus parmi les invités avaient fait jaillir du passé des images furtives. Des moments d’amitié partagés avec les amis de Claude et Paolo, des moments de peine aussi.

- Nicky, c’est toi ?

Avant même de se retourner, il avait reconnu cette voix.

- Salut Philippe.

L’homme qui se tenait devant lui n’avait pas changé. Enfin, pas vraiment. Moins de cheveux, un début d’embonpoint dissimulé par la coupe raffinée de son costume Armani, mais toujours cette allure qui alliait décontraction et élégance. Philippe le dévisagea. Son visage arrogant exprimait tout le mépris qu’il éprouvait pour lui, fantôme indésirable surgit d’un passé banni. Mais Nicky ne se laissa pas. Philippe n’était plus son chef, et il n’était même plus son ami.

- Qu’est-ce que tu fabriques ici ?

- Je suis venu voir Claude.

- Claude n’a pas besoin de toi. Inutile d’insister. Ici, elle est entourée d’amis qui s’occupent d’elle. Ta présence va réveiller des souvenirs douloureux. Laisse-la tranquille, elle a eu sa dose de souffrances, ne réveille pas ses blessures.

- J’ai quelque chose d’important à lui dire. Lorsque je lui aurai dit, je partirai. Ne t’inquiète pas, Philippe, je ne suis pas ici pour te piquer ta place.

Cette remarque était stupide, mais il n’avait pas pu s’empêcher de la faire. Et il avait parlé trop fort, plusieurs personnes relevèrent la tête de leur gâteau et lui jetèrent des regards étonnés. La comédie avait assez duré. Nicky s’éloigna et sortit. En poussant la lourde porte vitrée, il surprit le reflet de Philippe. Il n’avait pas bougé ; seuls ses poings serrés trahissaient sa colère.

Dehors, la pluie ruisselait le long des pavés brillants comme les larmes qu’il ne verserait jamais.