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Chapitre V |
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Épisode 016 |
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Cachée derrière un rideau de toile jaune doré, Lilie observait Philippe. Elle ne l’aimait pas. C’était un prétentieux qui tournait autour de sa mère. Et, depuis le départ de son père, Lilie ne supportait pas les hommes qui s’intéressaient à sa mère. D’ailleurs, dès qu’il y en avait un qui menace de s’incruster dans leur vie, elle trouvait un moyen pour s’en débarrasser. Mais Philippe était d’une espèce coriace, on l’arrachait et il repoussait avec plus de vigueur. La prochaine fois, elle creuserait en profondeur pour atteindre les racines et les éliminer. Dans l’immédiat, elle aimerait bien que sa mère se dépêche, elle avait besoin de faire pipi. - Excuse-moi, Philippe, mais Maria et Carmen étaient prêtes à s’entre-tuer pour une histoire de clé. - Ce n’est pas la première fois. - Non, mais la situation s’empire, ça ne peut plus durer. Claude se servit un verre de cognac, remplit celui de Philippe et continua : - Philippe, qu’allons nous raconter à l’inspecteur ? - Que veux-tu dire ? - Enfin, tu sais bien, Nicky était le meilleur ami de Paolo. - C’était aussi mon ami. - Et ton employé, comme Paolo. - Non, pas comme Paolo. Nicky travaillait consciencieusement, mais Paolo avait le génie de la finance. Claude baissa les yeux. Elle n’avait pas envie d’évoquer les dons de Paolo. La mort de Nicky allait faire ressurgir celle de son mari. Et les médias recommenceraient à les persécuter. - Il faut éviter que la presse s’empare de cette histoire. - Ne me regarde pas comme ça Claude, mon pouvoir est limité, je ne peux pas corrompre un flic. - Il ne s’agit pas de corruption, mais de discrétion. Pour la santé mentale d’Aurélie. Elle est encore traumatisée par ce qui s’est passé il y a cinq ans. - Je sais, ne t’inquiète pas, je verrai ce que je peux faire. Il regarda par la fenêtre, la pluie dessinait des sillons lumineux le long des vitres. En se retournant vers Claude, il crut voir bouger le rideau, l’effet du cognac, sans doute. Il continua : - Tu as raison, l’affaire de la station service va ressortir, on doit se préparer à répondre aux questions. Je sais que tu détestes te souvenir de cette journée, mais tu ne crois pas que nous devrions en parler ? - Oui, mais pas maintenant. C’est encore trop tôt, j’ai besoin de temps pour y réfléchir. C’était une manière détournée de le mettre à la porte. Claude qui détestait les conflits était devenue une experte en non-dit. Philippe vida son verre et se leva. Il quitta l’appartement des femmes, descendit l’escalier et se fit expulser de l’immeuble par la lourde porte d’entrée. Une fois dehors, il gonfla le torse pour respirer l’odeur de la ville. C’est seulement quelques minutes plus tard, en arrivant devant l’entrée de sa banque, qu’il remarqua que la pluie avait cessé. |
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© Cousu Mouche, 2007-2008, tous droits réservés. |
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