Chapitre VII
 
     
 
Épisode 024
 
     
 

- Où vas-tu ?

Maria se retourna.

- Tiens, tiens, la princesse est levée, elle a même déjà pris son service de fouille-merde.

Carmen se tenait devant elle, lui bloquant le passage.

- Maria, si tu avais l’intention de sortir la gamine de son trou, oublie. Nous avons reçu des consignes strictes concernant ses petites manies. Retourne à tes fourneaux, la grand-mère doit manger à midi pile.

- Ce sera prêt. Maintenant laisse-moi passer.

Mais Carmen ne bougea pas. Sa jeunesse arrogante défiait la cuisinière qui se sentit tout à coup vieille et fatiguée. Pour la première fois elle allait capituler, par lassitude, juste pour avoir la paix.

C’est à cet instant qu’elles l’entendirent crier.

Les deux femmes se précipitèrent dans la chambre de Lilie et tentèrent d’ouvrir le placard. Il était fermé à clef, mais Maria gardait toujours un double dans sa poche. Une odeur de renfermé les saisit lorsque la porte s’ouvrit. Le cagibi, sombre et humide semblait désert. Alors un cri strident s’échappa du trou noir et s’éleva comme une plainte d’animal blessé.

Lilie était recroquevillée sur le sol du placard et se tapait la tête contre les dalles glacées.

***

- Merci David, d’être venu aussi rapidement.

Le médecin détourna les yeux de la petite fille endormie et regarda Claude. Elle transpirait la culpabilité. Ses cheveux d’ordinaire si bien arrangés étaient éparpillés autour de son visage et du mascara bleu sillonnait ses joues comme des ruisseaux égarés.

- Je n’aurais jamais dû aller travailler ce matin, je savais que Lilie était perturbée par le meurtre de Nicky.

Claude fit une pause. Lentement son regard se détourna de sa fille et se fixa sur le montant de la commode.

- Ici rien ne lui échappe mais on ne sait jamais où elle se trouve. Quand elle marche, on dirait que les parquets se taisent pour respecter son silence. Je vous assure, David, je voulais lui annoncer, mais une fois de plus, j’ai été lâche. Hier, après le déjeuner, nous avons parlé du meurtre de Nicky avec les Maudet et Philippe. J’aurais dû me douter que Lilie avait surpris notre conversation.

Tout en parlant, Claude se leva et alla chercher un album dans la bibliothèque.

- Lilie n’a pas revu Nicky depuis six ans mais elle le connaît bien. Par les photos de son album qu’elle feuillette religieusement chaque soir.

David se pencha par dessus son épaule et croisa le regard de Paolo. Un Paolo jeune, levant son verre à l’objectif en souriant. Le soleil couchant dessinait une auréole lumineuse autour de ses cheveux ondulés. Il était si beau, si puissant. Sur sa gauche, légèrement en retrait, un homme baissait les yeux comme pour s’excuser de gâcher une si belle photo.

- Nicky détestait les photos.

En examinant de plus près Nicky, David remarqua la grimace de dégoût qui crispait le bas de son visage. Derrière son dos, Claude murmura :

- C’est une photo qui a été prise avant sa naissance, mais Lilie aime contempler le sourire de son père.