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Chapitre VII |
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Épisode 025 |
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Le médecin se leva et prit délicatement les mains de Claude dans les siennes. - Lilie traverse une période de crise. Elle grandit, ses terreurs enfouies sont en train d’émerger, elle ne supporte plus d’être prisonnière de ses angoisses. Nous allons l’aider à s’en sortir. La crise d’aujourd’hui est un appel au secours, et nous allons faire tout notre possible pour répondre à cet appel. - Mais comment ? - En mettant Lilie face à ses peurs. - David, je ne vous comprends pas. Depuis cinq ans, vous nous dites de ne pas brusquer Lilie, de la laisser vivre à son rythme, d’éviter toute allusion au jour de l’accident et maintenant vous voudriez la mettre face à ses peurs. Non, je ne comprends pas. Le corps de Claude se recroquevilla et elle se laissa tomber au pied du lit. Elle était épuisée, ses maigres réserves avaient fondu avec le meurtre de Nicky. David s’assit à côté d’elle et l’entoura d’un bras protecteur. Claude se blottit contre son épaule et murmura : « Je me sens si seule, Paolo me manque tellement. » David se crispa, le charme était rompu. Quel idiot ! Un instant, il avait espéré qu’elle lui ouvrait une brèche dans laquelle il pourrait se faufiler. Mais une fois de plus, elle ouvrait son âme au médecin, elle acceptait la compassion du professionnel des maux de cour et elle ignorait l’homme qui se languissait derrière la blouse blanche. Afin de cacher son trouble, il lui demanda : - Vous avez des nouvelles concernant l’enquête? - Non, pas vraiment. Ce matin l’inspecteur est arrivé à la galerie au moment où Maria a téléphoné pour m’annoncer la crise de Lilie. Je l’ai laissé avec Florence. Mais il reviendra. Il semble s’intéresser à Nicky, mais à travers ses questions c’est Paolo qu’il vise. Cette dernière remarque agaça David. Il en avait marre de supporter l’odeur de sainteté du mari fantôme tragiquement décédé. En tant que médecin, David avait eu l’occasion de recueillir les confidences tourmentées de Paolo. Des confidences teintées de culpabilité et gorgées d’égoïsme. Aucune trace du saint chéri par Claude. Mais ça, il ne lui dirait jamais. La voix de Claude s’affermit, elle se dégagea de l’étreinte du médecin, le regarda dans les yeux, et lui dit : - Après m’avoir annoncé le meurtre de Nicky, l’inspecteur m’a posé un tas de questions sur son amitié avec Paolo, sur leurs amis communs. Il m’a même demandé de lui dresser une liste des personnes présentes au vernissage qui l’avaient connu. - Vous lui avez donnée ? - Non. Je lui ai dit de demander à Florence, c’est elle qui s’occupe des invités. Je ne suis que l’intendante des problèmes techniques, elle se réserve les relations humaines, c’est plus gratifiant. Comme mue par une impulsion, Claude demanda au médecin : - D’ailleurs, vous étiez présent au vernissage, est-ce que vous vous rappelez avoir vu Nicky ? David fut surpris par l’excitation qui perçait dans la voix de Claude, une excitation qui se reflétait également dans ses yeux. Pour la première fois, il remarqua que ses yeux n’étaient pas noirs, comme il le croyait, mais bleu très foncé. Un bleu de ciel d’hiver au moment où la nuit s’installe. Bleu lumineux et sombre qui enrobe les premières étoiles pressées de parer la nuit. - Vous savez Claude, j’ai très peu connu Nicky. Il était venu quelquefois à la consultation pour des broutilles médicales. Je ne sais pas si je l’aurais reconnu. - Vraiment ? Je croyais que vous étiez proches. J’ai dû me tromper. Excusez-moi, les souvenirs se brouillent, je me sens si fatiguée. Le médecin saisit l’occasion pour prendre congé. Il ne supportait plus l’espace confiné de cette chambre et l’esprit torturé de ses habitantes. Il traversa le corridor désert, ramassa sa trousse laissée à l’entrée et sortit en retenant la lourde porte pour éviter qu’elle ne claque. Mais le vent fut plus rapide et la porte gifla le mur. |
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© Cousu Mouche, 2007-2008, tous droits réservés. |
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