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Chapitre VII |
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Épisode 026 |
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- Je vous prie d’excuser Madame Calvi, Inspecteur. Ces derniers temps sa fille est très perturbée, elle a des crises d’angoisse. Claude doit souvent s’absenter pour se rendre à son chevet. Robin chercha une note d’amertume dans cette remarque, mais il n’en trouva pas. Florence, si parfaite dans son tailleur rose fuchsia semblait véritablement inquiète pour Lilie. - Il paraît qu’Aurélie ne parle plus depuis le drame de la station service. C’est exact. Plus un mot. Plusieurs pédopsychiatres se sont penchés sur son cas, mais sans résultat. Depuis cinq ans, à part des cris qu’elle étouffe en enfonçant son poing dans sa bouche, elle n’a plus jamais parlé. - On ne sait donc pas ce qui a déclenché ce traumatisme ? Florence se dirigea vers une petite table sur laquelle était posé son sac. Elle le prit, renversa son contenu sur le plateau en acajou, fouilla parmi les papiers éparpillés et saisit une boîte rectangulaire qu’elle ouvrit d’un coup sec. Elle semblait avoir oublié la présence du policier. Après avoir allumé sa cigarette, elle se laissa tomber dans un fauteuil en velours grenat qui protesta dans un craquement de vieux bois. Robin ne put s’empêcher d’admirer ses jambes mises en valeur par la fente discrète de sa jupe. Il n’avait pas l’habitude de lorgner les femmes, surtout pas pendant son boulot, mais Florence l’intriguait. - Excusez-moi, Inspecteur, mais j’avais terriblement envie d’une cigarette. Voyez-vous, mon mari ne supporte pas la fumée. Alors je profite de son absence pour m’adonner à mon vice. D’un geste sec, elle laissa tomber les cendres dans un minuscule cendrier, puis reprit : - Aurélie. c’est une enfant adorable, vous la connaissez ?. Elle n’avait que trois ans quand son père est mort. Les médecins ont essayé de lui faire revivre le drame, mais après chaque tentative, elle restait prostrée pendant des jours, refusant de s’alimenter. Finalement, Claude a décidé d’arrêter ces séances qui détruisaient sa fille. Depuis, la petite vit en circuit fermé dans leur appartement. Une dame vient trois fois par semaine pour lui apprendre à lire et à écrire de sorte qu’elle ne sort pratiquement pas. Florence écrasa gracieusement son mégot, rejeta ses cheveux en arrière, décroisa ses jambes et fixa Robin. Je sais, je n’ai pas répondu à votre question. Elle marqua un temps d’arrêt et son visage se teinta de coquetterie. - Mais je vous soupçonne de déjà connaître la réponse, vous étiez sur l’affaire de la station service il y a cinq ans. Je me souviens très bien de vous. A l’époque, vous n’étiez qu’un inspecteur parmi d’autres, c’était Borel qui menait l’enquête. Aurélie était le seul témoin et elle n’a jamais parlé. Florence approcha son visage tout près de celui de Robin. - Mais ça, Inspecteur, je suis sûre que vous le saviez déjà. Robin se leva et alla se poster devant un tableau représentant un paysage marin. Les vagues, subtils dégradés de verts et de bleus, semblaient vibrer sous un ciel mauve strié de touches jaunes. Au premier plan, juché sur un rocher, un homme en redingote appuyé sur une canne semblait défier les éléments. - Magnifique, n’est-ce pas ? Surpris, Robin se retourna. Edouard Maudet se tenait dans l’embrasure de la porte. Florence se précipita pour prendre son parapluie, mais une tâche humide s’était déjà formée sur le tapis. En contournant la petite table, Edouard repoussa le cendrier. La grimace de dégoût qui tordait le bas de son visage n’échappa pas à Robin qui s’empressa de brancher le collectionneur sur son sujet favori. - Oui. Le paysage semble animé d’une vie propre, c’est fascinant. - Effectivement. Les romantiques allemands utilisaient la nature pour décrire leurs tourments intérieurs. Parmi eux, Gaspar David Friedrich est certainement le peintre le plus talentueux. Ce tableau fait partie de ma collection privée. Il marqua une pause. Mais venez vous asseoir Inspecteur, vous n’êtes certainement pas venu pour parler peinture. - L’inspecteur est venu pour parler à Claude, mais elle a dû rentrer chez elle pour s’occuper d’Aurélie. Tout en parlant, Florence s’assit à côté de son mari et lui pressa affectueusement la main. Ce contact fit sourire Edouard qui dit : - Claude a été bouleversée par le meurtre de son ami. - Vous le connaissiez ? |
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© Cousu Mouche, 2007-2008, tous droits réservés. |
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