Edouard regarda sa femme comme pour avoir son approbation et répondit.

- Très peu. Nous l’avions rencontré au mariage de Claude, c’était surtout un ami de son mari.

- Est-ce que vous l’avez vu pendant le vernissage ?

Florence répondit en ajustant sa jupe.

- Oui. Il était avec Claude dans la cuisine. D’ailleurs, je m’en veux, je n’ai pas été très accueillante avec lui. Vous comprenez Inspecteur, j’avais soigneusement préparé une surprise pour l’anniversaire d’Edouard, un gâteau représentant un célèbre tableau de Monet à partager avec nos invités en fin de vernissage. Mais ce jour là, tout allait de travers, j’étais sur les nerfs. Et lorsque je surpris Claude en grande discussion avec un inconnu, alors qu’elle était censée allumer les bougies et apporter le gâteau aux invités que j’avais réuni dans la grande salle, je me suis emportée. Maintenant, je le regrette.

- Vous n’avez donc pas reconnu Nicky ?

- Non, pas tout de suite. Il faisait sombre dans la cuisine et j’étais inquiète pour la cérémonie du gâteau.

- Pourquoi ?

Florence hésita avant de répondre. Elle se tortilla sur son fauteuil qui protesta par des craquements aigus.

- Lorsque Claude a ouvert le carton du gâteau, elle a grimacé, comme si cette réplique la dégoûtait. Elle s’est vite rattrapée en m’affirmant qu’il était très joli, mais j’ai senti sa désapprobation. Alors, subitement, j’ai eu des doutes. Une fois de plus, j’avais agi sous le coup de l’impulsion, sans vraiment réfléchir. Mais ce gâteau était peut-être de mauvais goût.

Pendant qu’elle parlait, Edouard, était resté strictement assis les jambes croisées, le bras gauche posé sur le dossier du canapé. Toutefois, devant la détresse de sa femme, il se rapprocha et lui prit la main.

- Ma chérie, c’était une merveilleuse surprise, nos invités étaient ravis, d’ailleurs à la fin de la soirée, il n’en restait plus une miette.

Robin scruta le visage de cet homme si distingué pour y déceler une trace d’ironie, mais Edouard regardait avec tendresse sa femme qui continua d’une voix soulagée.

- Inspecteur, j’ai un mari merveilleux qui supporte mes lubies avec une patience d’ange.

Le couple enlacé semblait attendre la bénédiction de l’inspecteur. Mais Robin se méfiait des apparences et Florence, si lisse dans son uniforme rose, le mettait mal à l’aise. Il détourna le regard et se concentra sur son carnet de notes. Au début de chaque enquête, il s’achetait un nouveau carnet. Il passait parfois des heures à choisir la couleur et la forme, comme si la réussite de son enquête dépendait du choix d’un calepin. Tout en tripotant son stylo, il s’adressa à Florence :

- Et ensuite, après le gâteau, vous l’avez revu ?

L’agacement qui perçait dans sa voix, n’échappa pas à Edouard qui répondit à la place de sa femme.

- Dès que les invités eurent terminé de manger, ils se dispersèrent rapidement pour rentrer chez eux. Nous étions alors trop occupés par les politesses d’usage pour remarquer un homme que nous connaissions à peine.

- Il est venu vous saluer avant de partir ?

Edouard ouvrit la bouche, mais Florence fut plus rapide.

- Non, mais il aurait pu. La dernière fois que je l’ai aperçu, il dévorait un morceau de gâteau. Nicky a toujours détesté les conventions, il s’estimait au-dessus des règles élémentaires de politesse.

Surpris par cette remarque, Robin voulut en savoir plus, mais Edouard l’interrompit.

- Vous nous avez demandé une liste des invités, je vous l’ai préparée.

Tandis qu’Edouard se penchait en avant pour prendre le document dans sa serviette, Robin remarqua des traces humides sur le col de sa chemise jaune pâle. Etrangement, ce détail le toucha. Edouard n’était pas si parfait, il transpirait comme tout le monde.

- J’espère que je n’ai oublié personne.

Robin le remercia et se leva pour prendre congé. Florence l’accompagna jusqu’à la porte, visiblement soulagée de son départ.

Tout en pestant contre la pluie qui s’était remise à tomber, Robin surpris le visage de la jeune femme qui l’observait, camouflé par les rideaux de la galerie. Une fois de plus, il se demanda ce qui pouvait bien tourmenter la belle Florence.