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Chapitre VIII |
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Épisode 030 |
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En entrant dans la cuisine qui sentait bon la tarte aux pommes, Robin se détendit. Finalement, il n’était pas si pressé et son ancien collègue avait encore toute sa tête. Il s’installa près du feu qui crépitait en dégageant une agréable chaleur. Borel lui servit un verre de sirop de framboise fait maison, rajouta une bûche dans le potager et demanda : - Alors Morales, vous fouillez dans les cendres de l’affaire de la station service ? Je vous avertis, vous risquez de vous brûler. Personne n’a envie de raviver cette vieille histoire. - Un ami de Paolo a été assassiné mardi soir alors qu’il avait des révélations à faire à sa veuve, Claude Calvi. Le cadavre a été dépouillé de son portefeuille, mais nous avons trouvé une grosse somme d’argent planqué dans sa ceinture. Le vol n’était pas le motif du crime. Robin but une gorgée du délicieux sirop et continua. -Nicolas di Lupo avait téléphoné à sa sour le soir même. Il lui avait parlé d’une émission vue récemment dans laquelle un journaliste avait reconstitué le dernier jour de Paolo et le drame de la station service. Nicky a dit à sa sour que cela ne pouvait pas s’être passé comme dans le film. Je suppose que c’est ce dont il voulait discuter avec Claude. Mais ce n’est qu’une hypothèse. Robin ajouta cette dernière remarque en souvenir de la méfiance dont faisait preuve son collègue pour ses fameuses intuitions. Avec des gestes précis, Borel bourrait une pipe noircie par des années de service. Robin se demanda s’il avait entendu et s’apprêtait à répéter sa tirade lorsque Borel le regarda. Ses yeux le transpercèrent comme s’ils cherchaient à atteindre la racine de ses doutes. Robin sourit, il retrouvait son maître. - A l’époque ce film avait fait couler beaucoup d’encre. Je m’étais rendu chez les producteurs de l’émission pour les persuader de ne pas le diffuser. La reconstitution reposait sur des hypothèses et non sur des preuves. Mais la veuve avait donné son accord et la police n’avait aucun droit sur la diffusion du film. Borel alluma sa pipe et continua les yeux mi-clos. - Je n’ai jamais cru à cette histoire de règlement de compte. C’était trop simple. Pratique de coller un double meurtre sur le dos d’un camé. Un paumé qui disparaît de la circulation sans laisser de traces et qui est assez malin pour semer des dizaines de flics lancés à ses trousses ? Non, ça ne tient pas la route. La police était au courant du trafic du garagiste depuis plusieurs mois. Vente de quelques grammes d’herbe et trafic de contrefaçons. Il s’était fait pincer à plusieurs reprises. En échange de notre tolérance, il nous fournissait des renseignements sur un gibier plus intéressant. Mais il ne savait pas grand-chose, c’était un perdant, minable jusque dans sa carrière de petite frappe. Personne n’aurait pris la peine de l’éliminer. - Et vous, qu’est-ce que vous croyez ? - J’ai toujours pensé que c’était Paolo Calvi qui était visé, pas le garagiste. Le meurtrier a voulu faire croire à un crime crapuleux exécuté par hasard, mais je suis persuadé que ce meurtre était planifié de longue date. Il y a de la haine dans cette mise en scène. Pourquoi avoir mis le feu après avoir commis le meurtre ? Pour effacer ses traces ? Non. Il avait pris ses précautions. Il voulait que Paolo brûle, que sa belle gueule soit ravagée par les flammes de l’enfer, de la haine et de la passion. - Vous pensez à une femme ? - Ce que je pense n’a plus d’importance. Aujourd’hui, c’est une vieille histoire et je ne suis plus dans le coup. Plus de Porchet pour me dicter ma conduite. Borel ouvrit les yeux et fixa Robin. - Malheureusement pour vous, Morales, cet abruti est toujours là pour vous dicter la vôtre. Plus tard, bloqué dans sa voiture par les embouteillages de fin d’après-midi, Robin repensa aux différentes hypothèses de Borel. Le bonhomme n’avait rien perdu de son esprit d’analyse. Il avait convaincu Robin sur un point, le double meurtre de la station service avait été soigneusement prémédité. Borel lui avait appris que le couple Calvi fonctionnait par habitudes. Les samedis après-midi, c’était toujours Claude qui s’occupait de leur fille afin que Paolo puisse avoir du temps pour lui. Tandis que la file de voiture s’ébranlait, Robin revit le visage terrorisé de la petite fille avec son poing enfoncé dans sa bouche. Sa présence n’était pas prévue dans le scénario du tueur, Paolo aurait dû être seul, comme tous les samedis. |
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© Cousu Mouche, 2007-2008, tous droits réservés. |
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