Chapitre VIII
 
     
 
Épisode 031
 
     
 

Carmen agrippa fermement le bras de la grand-mère. La pluie avait cessé, mais les trottoirs étaient glissants. Les deux femmes traversèrent la rue qui jouxtait l’appartement et se dirigèrent vers le parc des Bastions. C’était la promenade habituelle de la grand-mère. Elle aimait déambuler dans ces allées bordées de plates-bandes multicolores. La vieille femme parlait peu. On avait l’impression qu’elle appartenait à un autre monde, un monde lisse qui ondulait sans faire de vagues. Un monde ponctué de tasses de thé servies dans une porcelaine délicate.

Au fond du parc, près de la pergola, un groupe de jeunes garçons venaient de commencer une partie d’échecs géants. Ils plaisantaient en déplaçant les grosses pièces, esquissant quelques pas de danse avec les cavaliers.

Tout était tellement net. Les montagnes environnantes, d’habitude à peine visible, s’étaient rapprochées et semblaient plonger dans le parc.

Tout à coup, une silhouette pressée brisa cette harmonie. Carmen se crispa, elle l’avait à peine entrevu, mais elle était sûre que c’était lui. Pourtant Raoul ne mettait jamais des vieux jeans pour sortir. Et surtout, il n’avait pas de blouson en cuir, d’ailleurs il détestait les habits en cuir, il disait que c’était bon pour les pédés. Elle entraîna la grand-mère dans la direction de l’homme, mais il avait déjà disparu, masqué par les buissons.

Raoul s’arrêta à l’ombre d’un rhododendron. Il aimait respirer l’odeur aigre de ces grosses fleurs violettes. Cette partie du parc est tranquille, il ne risquait pas de tomber sur des personnes connues qui s’étonneraient de le voir se balader au milieu de l’après-midi. C’était l’avantage de son travail de larbin. Les horaires souples. Ses copains ne comprenaient pas pourquoi il restait dans l’appartement des femmes, il aurait facilement pu trouver un autre job et se tirer de cette baraque de cinglées. Pourtant, ce boulot de chauffeur lui convenant parfaitement. La voiture surtout. C’était incroyable comme ces lopettes craquaient devant une belle bagnole.

Après l’engueulade avec Carmen, il était parti se calmer au volant de la Mercedes. Il avait roulé, sans but pendant plusieurs heures. Mais son escapade n’avait pas eu l’effet escompté, au contraire. Sa colère avait empiré et il avait atterri dans le parc.

Il lui fallait une nouvelle victime.