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Chapitre IX |
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Épisode 036 |
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- Chère Florence, vous êtes toujours aussi ravissante. Tout en affichant un sourire de circonstance, Florence se dit qu’il allait enchaîner sur un compliment du style « le temps n’a aucune prise sur vous ». - Vous semblez flotter au-dessus des contraintes temporelles. Décidément, ce soir, le vieux cochon se surpassait. Emergeant de son smoking parfaitement ajusté, la tête de Porchet ressemblait à celle de Monsieur Patate. Des oreilles qui frisaient à force de brasser de l’air, des yeux enfouis derrière des verres grossissants, une petite bouche qui s’agitait comme si elle espérait gober des cyber-insectes, et pour achever le tableau, des narines qui faisaient de l’aérobic sur un tapis de poils blancs. - .vraiment désolé des dérangements. mais vous comprenez la police doit faire son travail. Florence hocha la tête, mais elle n’écoutait pas, elle était fascinée par ce nez qui ondulait en racontant des histoires, elle avait envie de l’arracher, juste pour voir s’il pouvait parler tout seul. Elle sentit ses jambes vaciller, elle avait trop bu, mais lorsque le serveur la frôla avec des flûtes de champagne elle en saisit une au passage. Ce soir elle avait envie de s’amuser et personne ne l’empêcherait, surtout pas son rabat-joie de mari. D’ailleurs, il était passé où celui-là ? En train de faire des courbettes qui pourraient lui rapporter gros ? Ah, le voilà. Zut. Il se dirigeait vers elle, non pas vers elle, vers Porchet, son admirateur au long cou, sa touche en chaise roulante. Là elle exagérait un peu, en fait le grand chef de la police boitait bas, une blessure de guerre, chère Florence, figurez-vous que . Mais évidemment elle n’avait pas écouté la suite. Quelques minutes plus tard, elle abandonna les deux hommes pour se rendre aux toilettes. Elle avait envie de vomir. Trop d’alcool, trop de mensonges. La pièce se mit à tourner et elle se raccrocha de justesse à un coin de table. - Vous ne vous sentez pas bien ? - Merci. Un léger malaise, il fait si chaud ici. - Ne bougez pas, je vais vous chercher à boire. L’homme se dirigea vers le bar et disparut dans la foule des convives. Lorsqu’il revint, Florence se sentait mieux, mais elle but avec soulagement le verre d’eau qu’il lui tendait. - Et bien, vous aviez soif. Permettez-moi de me présenter, Richard Fortis. - Florence Maudet. Enchantée et merci pour votre aide. L’homme sourit et lui dit : - Je vous ai vue l’autre jour au vernissage. La peinture impressionniste me fascine et le Monet est une pièce magnifique. Toutefois, ce soir-là, c’est surtout votre beauté qui a retenu mon attention. L’inconnu avec son costume mal coupé et sa cravate de travers la fixait le regard mielleux. Mais Florence n’était pas d’humeur à minauder et elle répliqua sèchement : - Vous tombez mal. Ce soir, je me sens vieille et moche. Et j’ai trop bu. Devant l’air dépité de son admirateur, elle rajouta. - Désolée de briser vos illusions. Mais la soirée n’est pas terminée, continuez à chercher, vous trouverez bien un lot de consolation. Et maintenant excusez-moi, je dois aller aux toilettes. Quelques minutes plus tard, en voyant son image dans le miroir, elle se dit que cela ne pouvait plus durer, cette comédie devenait insupportable. Pourtant, lorsqu’elle rejoignit son mari toujours occupé à flirter avec Porchet, elle afficha son sourire des grands jours, celui qu’elle réservait pour les bons clients. |
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