Chapitre X
 
     
 
Épisode 039
 
     
 

Un éclat de rire retentit dans sa tête et Claude se réveilla en sursaut. Incroyable, elle s’était endormie sur le canapé du salon avec la radio allumée, ce qui ne lui arrivait jamais. D’abord parce qu’elle écoutait rarement la radio, ensuite parce qu’elle ne s’endormait jamais sans somnifère.

Elle se leva et alla jeter un oeil dans la chambre de Lilie. Tout était calme. Les dizaines de peluches amassées sur les rayons de l’étagère la regardaient avec douceur, comme s’ils l’invitaient à rester un moment avec eux. Elle déplaça le petit fauteuil en osier et s’assit près de la fenêtre.

Dehors, la rue avait pris sa rumeur de nuit, un grondement sourd entrecoupé de quelques crissements de pneus. Claude se sentait bien. Elle repensa à la soirée avec Lilie.

Le téléphone sonnait rarement le soir, les gens savaient que sa mère se couchait tôt. Pourtant, aujourd’hui, il y avait eu plusieurs appels. Lilie lassée de devoir interrompre la partie de cartes, avait été chercher des feuilles blanches et s’était installée au salon, à côté du téléphone, pour dessiner.

Après l’accident, on avait essayé de la faire dessiner. Les pédopsychiatres surveillaient pendant des heures l’évolution de ses gribouillages qu’ils donnaient ensuite à analyser à des spécialistes. Mais cela n’avait rien donné. Finalement, ils avaient laissé tomber le créneau du dessin en décrétant que le traumatisme de Lilie l’empêchait de s’exprimer, point final.

Alors ce soir, quand elle vit Lilie arriver avec ses feuilles et sa boîte de feutres, elle fit comme si elle n’avait rien remarqué.

C’est elle qui lui avait montré ses dessins. Claude s’était extasiée, mais pas trop, il fallait trouver le ton juste pour l’encourager à continuer.

- Mais c’est Maria, je reconnais son tablier bleu. Hum. je suis sûre qu’elle est en train de préparer sa merveilleuse tarte aux pommes à la cannelle.

Très sérieuse, Lilie avait hoché la tête.

- Et là, c’est grand-mère avec ses lunettes, son chignon et sa robe de chambre à fleurs, on dirait une reine. On lui montrera demain, elle sera ravie.

Ensuite, Lilie lui tendit le dernier dessin en grimaçant.

Un personnage habillé en noir tenait une flamme dans sa main gauche. Il était entouré d’eau, du moins, Claude supposa que c’était de l’eau car toute la page était recouverte de vaguelettes noires tracées avec vigueur. L’ensemble était terrifiant. Deux points jaunes la fixaient et juste au-dessous, Lilie avait troué la feuille au niveau de la bouche comme pour l’empêcher de parler.

Elle n’avait pas fait de commentaires, elle montrerait ce dessin à David demain.