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Chapitre XI |
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Épisode 044 |
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Le temps instable avait découragé les habituels promeneurs et le parc était pratiquement désert. Maria respira profondément le mélange de parfums que dégageaient les buissons printaniers. - C’est merveilleux, n’est-ce pas ? Maria se retourna pour regarder d’où venait cette voix douce, mais elle ne vit personne. Alors elle réalisa que c’était la voix de la grand-mère. - Un véritable hymne à la lumière. Vous ne vous sentez pas bien Maria ? - Si, si. Vous avez raison, c’est magnifique. La grand-mère avait parlé, elle n’en revenait pas. C’était si rare. - Je sais ce que vous vous dîtes, la grand-mère a parlé. Pourtant, cela n’a rien d’extraordinaire. Si je ne parle pas, c’est parce que l’on ne me dit jamais rien. Je suis une vieille femme, certes, mais je ne suis pas gâteuse. Ma fille me cache des choses que je suis en droit de savoir. - Elle tient à vous ménager, votre santé fragile l’inquiète, elle se fait beaucoup de soucis pour vous. - La vieillesse n’est pas une maladie. Elle est simplement une étape dans la vie qui nous oblige à vivre plus lentement en acceptant l’usure de la machine. D’ailleurs, asseyons-nous sur ce banc, à l’abri de la bise, mes vieux os ont besoin d’une pause. Maria regarda la grand-mère qui lui sourit en disant : - La vie avec le Colonel n’était pas toujours facile, et vous êtes bien placée pour le savoir. Il ordonnait et les autres exécutaient sans discuter. Ceux qui avaient la prétention de le contredire s’engageaient dans une bataille perdue d’avance. Elle fit une pause puis continua. Nous nous sommes rencontrés sur le tard. Il était en service avec sa garnison dans mon village. Un soir, il est venu manger dans l’auberge de mes parents, c’est moi qui l’ai servi. Il est revenu le lendemain et les jours suivants. Avant de repartir, il s’est entretenu avec mon père et lui a demandé ma main. Mon père a hésité, j’étais une employée efficace et bon marché. Alors le Colonel lui a proposé un dédommagement, une coquette somme d’argent qui a décidé mon père a accepter son offre. Je me suis très vite retrouvée enceinte. La grossesse fut difficile et l’accouchement long et pénible. Le Colonel était déçu d’avoir une fille, mais les médecins étaient clairs, nous n’aurions pas d’autres enfants, c’était trop risqué, mon organisme fragile ne le supporterait pas. Après cet événement, le Colonel a décrété que je devais être ménagée. Pas de tracas inutiles plus de tâches domestiques fatigantes. Et cette vie m’a convenue. jusqu’à aujourd’hui, jusqu’à ce que mon médecin me confirme ce que je savais déjà, à savoir que la grosseur sur la droite de ma poitrine n’est pas un vulgaire kyste, mais une tumeur cancéreuse. Elle marqua une pose et se tourna vers Maria. - Mais vous étiez au courant, n’est-ce pas ? - Carmen m’avait dit qu’elle avait senti une grosseur en faisant votre toilette. Mais elle n’osait pas vous en parler de peur de vous inquiéter. - Est-ce qu’elle l’a dit à ma fille ? - Non, pas encore. La pluie s’était mise à tomber, mais la grand-mère ne s’en soucia pas. Elle se redressa et dit : - Maria, il ne faut pas que Claude l’apprenne par Carmen, c’est moi qui lui en parlerai. De toutes façons, à mon âge, la maladie évolue très lentement, et je serai morte d’usure bien avant que les cellules cancéreuses grignotent mes organes vitaux. Mais j’ai réalisé que le temps de l’assistance était terminé. Dès maintenant je vais prendre ma vie, ou du moins ce qu’il en reste, en main. Maintenant racontez-moi tout, de quelle enquête s’agit-il ? Et encore une chose, Maria, vous pouvez m’appeler par mon prénom, c’est incroyable, dans cette maison, plus personne ne sait comment je m’appelle, il est temps que cela change. Maria prit le parapluie qui reposait à leurs pieds, l’ouvrit et commença à raconter les événements de ces derniers jours. Elle parla sans retenue, Louise l’avait bien dit, le temps de l’assistance était révolu. |
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© Cousu Mouche, 2007-2008, tous droits réservés. |
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