Chapitre XII
 
     
 
Épisode 048
 
     
 

David commanda un apéritif. Il était en avance et il avait besoin d’un remontant pour se détendre.

En regardant par la fenêtre, il vit une petite silhouette emmitouflée dans un manteau noir sautiller sur les pavés pour éviter les flaques. La pluie commençait à tomber et elle tenait son sac sur la tête pour se protéger. Elle était si frêle, si vulnérable. David sentit une bouffée d’émotion le submerger et quand elle lui sourit en agitant la main, il réalisa que les accusations de Philippe n’étaient pas sans fondement, il était en train de tomber amoureux.

Le restaurant commençait à se remplir, il avait choisi un endroit animé pour qu’elle se sente à l’aise. Il voulait que cette soirée soit parfaite.

Le repas était délicieux, le serveur discret mais efficace et après avoir commandé le dessert Claude soupira d’aise en plantant ses coudes sur la table.

- Merci David pour cette soirée. Vous avez choisi le restaurant idéal, celui qui fait les meilleures crèmes brûlées de la ville si on en croit le serveur. Comment saviez-vous que c’était mon péché mignon ?

- Ce doit être mon instinct de gastronome, une chose est sûre, je ne l’oublierai pas.

- C’est étrange, malgré l’inquiétude que j’éprouve pour l’entretien de demain, je me sens bien. C’est idiot, n’est-ce pas ? Comme si toutes ces années d’angoisses pouvaient se résoudre en un après-midi. Ridicule.

Elle avait parlé à voix basse, mais David avait entendu. Doucement, il prit ses mains dans les siennes.

- Non, tout ne sera pas résolu en un après-midi. Mais c’est un début, une porte qui va s’ouvrir pour nous indiquer le chemin à suivre.

Le regard de Claude s’était voilé et David s’empressa de changer de sujet.

- Maintenant montrez-moi le dessin dont vous m’avez parlé, celui du personnage masqué.

Claude rapprocha sa chaise de celle de David et ils examinèrent le dessin. Le personnage noir entouré d’eau semblait jaillir de la feuille, comme s’il voulait les attaquer, ou, comme le suggéra David, leur livrer un message. Mais le trou au niveau de la bouche supposait une interdiction de parler. Lilie, à travers ce sinistre personnage, lançait un appel au secours. Elle risquait de se noyer. Du moins, c’est ainsi qu’ils interprétèrent la présence de toute cette eau autour du personnage.

- Claude, j’aimerais montrer ce dessin à un confrère spécialiste en analyse iconographique. Ce serait intéressant d’avoir son point de vue. David pointa une masse grise sur la droite du dessin. Il pourra peut-être nous éclairer sur la signification de cette forme arrondie.

Ils continuèrent à spéculer sur l’interprétation du dessin puis préparèrent une série de questions qu’ils soumettraient demain à l’inspecteur Morales avant l’entretien.

A aucun moment, ils pensèrent qu’elle avait dessiné ce qu’elle avait vu.

Plus tard, David insista pour la ramener chez elle. Sur le chemin du retour, ils croisèrent une ambulance qui fonçait en direction de l’hôpital. Le hurlement de la sirène semblait traîner dans la rue comme si le bruit n’arrivait pas à suivre le véhicule. Claude frissonna et secoua la tête pour chasser des images morbides qui menaçaient de venir gâcher la soirée.

Ce n’était pas l’ambulance qui troublait David mais le désir. Il fallait qu’il fasse quelque chose, la prendre dans ses bras, l’embrasser, n’importe quoi, mais surtout ne pas la laisser partir comme ça. Pour une fois, il devait agir, sortir de sa réserve.

Mais lorsqu’ils arrivèrent devant l’entrée de son immeuble, David n’avait rien fait et quand Claude lui tendit la main en lui souhaitant bonne nuit, il sut que c’était trop tard.