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Chapitre XII |
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Épisode 049 |
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Robin passa une partie de la nuit à consulter le dossier de l’affaire de la station service. Il y avait trois classeurs, dont un composé uniquement de photographies. Images sinistres de cadavres calcinés. Sur un cliché, le corps du pompiste était recroquevillé comme s’il avait voulu se cacher derrière un minuscule abri. Des lambeaux de salopette lui collaient au corps, seules les bretelles étaient intactes. En regardant les photographies du corps de Paolo, Robin ressentit une bouffée de colère qui le surprit. S’il évitait de s’impliquer affectivement dans ses enquêtes, il ne s’habituait pas aux atrocités que les humains s’infligeaient entre eux. Un tas d’habits déchiquetés gisait au milieu de sachets calcinés. Le visage tourné vers le plafond était méconnaissable. Bouillie informe défigurée par la haine de son assassin. Paolo n’avait pas été tué, il avait été massacré. Aucun mot n’aurait pu exprimer la force de cette haine. Robin examina l’arrière plan à la loupe. Le comptoir noirci était visible derrière des étagères métalliques entassées sur le cadavre. Sur le comptoir, la caisse enregistreuse trônait, intacte. Pas de tiroir éventré, aucune miette de billet. Non, le vol n’avait rien à voir dans cette affaire. Paolo avait été tué à bout portant. Son assassin devait être derrière le comptoir, il s’était débarrassé du pompiste et avait attendu tranquillement que Paolo vienne payer son essence, comme chaque samedi. Sur la photographie suivante, Robin découvrit le Paolo d’avant, celui qui avait déchaîné les passions. Un homme jeune le regardait d’un air conquérant. A l’arrière-plan, la mer brillait dans la lumière orangée d’une fin d’après-midi. La flamme de vie qui brillait dans les yeux de Paolo était insoutenable. Robin reposa la photographie en frissonnant. Le dossier avait été soigneusement établi, mais Robin ressentit un malaise en refermant le troisième classeur. Différents articles étaient classés par ordre de parution. Les journalistes relataient les faits en amplifiant les détails sordides. Les motifs du double crime restaient obscurs, mais chaque journaliste proposait son hypothèse personnelle. L’affaire avait défrayé la chronique jusqu’à ce qu’elle soit remplacée par une autre. Pourtant, malgré la diversité des articles, il existait un point commun entre eux. Aucun ne parlait de la petite fille. Robin rangea soigneusement le classeur avec les autres pièces du dossier. Il avait besoin de repos. L’appartement était calme, la ville s’accordait une pause. Robin profita de cet instant pour s’écrouler sur son lit. Une musique de jazz lui titilla l’oreille, et il s’endormit en se disant qu’il n’avait pas le courage de se lever pour éteindre la radio. |
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© Cousu Mouche, 2007-2008, tous droits réservés. |
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