Chapitre XII
 
     
 
Épisode 050
 
     
 

La chambre était plongée dans la brume d’une journée sans soleil. Carmen somnolait sur son lit d’hôpital. Les médecins lui avaient assuré que l’opération s’était bien passée, qu’elle était hors de danger. Ils avaient été moins optimistes quant aux possibles séquelles liées aux blessures du poumon mais elle ne voulait pas y penser maintenant.

Elle s’était conduite comme une idiote, quel gâchis. Les images de la veille défilèrent à toute vitesse dans sa tête, elle essaya de se lever pour les chasser, mais des tuyaux rattachés à une potence l’empêchaient de bouger. Elle était blessée et prisonnière. Bien fait pour elle, tout était de sa faute.

Une infirmière entra doucement dans la chambre et fixa un sachet transparent à la colonne du goutte à goutte. De sa voix calme, elle lui dit que le médecin lui avait prescrit de la morphine pour atténuer la douleur. Carmen n’avait pas mal, sa vie s’écoulait sans peine de son corps trop faible pour la retenir. Mais elle n’allait pas refuser un petit voyage dans l’oubli, un moment de répit dans cette tourmente. Elle fixa le liquide qui coulait dans ses veines. Les gouttes s’accrochaient au flacon comme si elles avaient peur de tomber, de se laisser aller dans ce tuyau qui les menaient vers l’inconnu.

Bercée par la morphine, Carmen n’entendit pas frapper. Mais quand Raoul s’assit sur le rebord du lit, elle émergea de sa torpeur et ouvrit les yeux.

- Carmen, je suis si heureux de savoir que finalement tes blessures ne sont pas si graves. Tu pourras sortir dans quelques jours et ensuite tout sera comme avant.

Mais Carmen ne voulait surtout pas parler d’avenir ni de passé, d’ailleurs. Elle lui demanda :

- Alors, ils t’ont relâché, pourquoi ?

Raoul semblait d’excellente humeur.

- Ils n’avaient pas assez de preuves pour m’arrêter. Après des heures d’interrogatoire, on m’a flanqué dans une cellule pour la nuit. Ce matin, on m’a passé les menottes et conduit en fourgon avec cinq autres gars dans une clinique pour une identification. Un mec avec une balafre sur le crâne nous a auscultés comme si nous étions un troupeau tout juste bon pour l’abattoir. Ensuite, les flics nous ont fait sortir et ils m’ont relâché avec les recommandations habituelles, à savoir ne pas quitter la ville.

Comme Carmen ne réagissait pas, il continua :

- Tu imagines, je suis libre. Et comme s’il se rendait compte que sa joie était déplacée dans cette chambre d’hôpital, il ajouta. Libre de changer, libre de redevenir l’homme que tu aimes.

Il lui prit la main et l’embrassa tendrement.

On frappa à la porte.

Sans attendre de réponse, Maria entra dans la chambre. En voyant le sourire satisfait de Raoul elle se raidit.. Heureusement Raoul prétexta une course urgente et les deux femmes se retrouvèrent seules.

La porte à peine refermée, Maria explosa.

- Comment peut-tu supporter sa présence ? Il a faillit te tuer !

- Ce n’était pas de sa faute, le coup est parti tout seul.

- Peut-être, mais ne lui pardonne pas aussi facilement. Des accusations très graves pèsent sur lui.

Carmen soupira en fermant les yeux.

- La police n’a pas pu prouver qu’il était l’agresseur des bars, c’est pour cela qu’ils l’ont relâché.

Alors Maria remarqua la pâleur de la jeune femme. Elle avait l’air d’une toute petite chose engloutie par la blancheur de la literie. Un bandage lui entourait le torse et le bras gauche. La balle avait miraculeusement épargné les organes vitaux comme si elle avait modifié sa trajectoire en réalisant qu’elle s’était trompée de cible.