Chapitre XII
 
     
 
Épisode 051
 
     
 

Carmen s’en sortirait, c’était une costaude. Une de ces femmes fortes, pas une minette qui pleurnichait au moindre bobo. Il ne supportait pas les femmelettes qui se la jouaient fragile dès que leur homme montre qui était le chef. Au moins Carmen, elle, avait vite compris qui dirigeait leur couple. Il était irrésistible et elle n’avait jamais essayé de lui résister. Irrésistible. Il aimait bien le son de ce mot. Les « r » roulaient sur le palais comme des boules de billard sur un tapis bien astiqué. « Tiens, bonne idée, un petit billard avec les copains, histoire de faire un peu d’exercice et de me changer les idées. » Raoul détestait les hôpitaux. L’odeur de désinfectant mélangé à celle de la pisse qui devait s’échapper des lits des malades lui donnait la nausée. Et aujourd’hui, en voyant sa femme avec ces tuyaux qui lui sortaient des trous de nez, il avait failli dégueuler le trop plein de pain rassis englouti à la prison.

En évoquant la prison, Raoul était submergé par une bouffée de colère. Ce salaud de flic avait osé lui tendre un piège. Pourtant, le petit cul avait adoré la balade en Mercedes, il en était certain, il avait bien vu la bosse qui déformait son pantalon. Mais il se vengerait, il élaborerait un plan. Et cette fois, il ferait bien attention de ne pas se faire pincer. La prison, c’était bon pour les bandits. Il était un justicier quinettoyait la vermine Les flics auraient dû lui donner une médaille, le féliciter pour ses actes de bravoure, l’encourager à continuer sa mission.

Lorsqu’il pénétra dans la salle de billard, Raoul était d’excellente humeur. Ses copains, l’accueillirent chaleureusement, ils voulaient tout savoir sur sa nuit passée au trou. Raoul leur raconta une version dans laquelle il se posait en martyr, pauvre victime tabassée par les flics. Lorsqu’un de ses copains s’étonna de l’absence de blessures sur son visage, Raoul lui répondit en chuchotant que ces porcs savaient exactement où frapper pour ne pas laisser de marques. Les autres hochèrent la tête en signe d’assentiment.

Un joueur de la table voisine prit part à la conversation, il connaissait les méthodes de ces salauds, sa femme lui en parlait quelquefois, elle avait l’occasion d’assister à des passages à tabac. Parfois, les mecs saignaient comme des cochons et elle avait beau frotter, les taches laissent des auréoles brunâtres sur le carrelage. Norbert - il s’appellait Norbert - raconta à son auditoire que sa femme travaillait comme femme de ménage au commissariat central. Il ajouta en savourant ses mots :

- Vous voyez, les gars, moi, les renseignements je les ai tout chauds, tout frais. Là-bas, personne ne s’intéresse à une boniche. Alors, si vous avez besoin d’un tuyau, n’hésitez pas à me demander.

Comme les autres, Raoul remercia chaleureusement le mec qui lui fait un clin d’oil entendu et il alla se commander une bière. Installé au bar, il guettait discrètement le fameux Norbert. Il avait appris à se méfier des gars qui lui tombaient dans les bras Mais Norbert paraîssaitt inoffensif. Sa nouvelle notoriété lui avait valu des compagnons de jeu inespérés et il avait l’air de bien s’amuser avec ses nouveaux camarades.

Rassuré, Raoul cessa sa surveillance. Ce mec était un balourd sans amis qui avait trouvé un truc pour se faire remarquer. Le rire de Norbert résonnait dans la salle. Non, cette couche de gras ne lui poserait aucun problème, elle pourrait même lui être utile, mais il resterait sur ses gardes. Il ne se ferait pas berner une deuxième fois.